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2255 | 2255 | pages={183--238}, |
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2272 | + author={Geeraerts, Thomas and Velly, Lionel and Abdennour, Lamine and Asehnoune, Karim and Audibert, G{\'e}rard and Bouzat, Pierre and Bruder, Nicolas and Carrillon, Romain and Cottenceau, Vincent and Cotton, Fran{\c{c}}ois and others}, | |
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2282 | + author={Small, Coulter and Lucke-Wold, Brandon and Patel, Chhaya and Abou-Al-Shaar, Hussam and Moor, Rachel and Mehkri, Yusuf and Still, Megan and Goldman, Matthew and Miller, Patricia and Robicsek, Steven}, | |
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chapters/Introduction.tex
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3 | 3 | |
4 | 4 | \paragraph{La compliance cérébrale.} Ce terme désigne la relation pression-volume régnant au sein de la boîte crânienne. Autrement dit, cette propriété correspond à la capacité du système à encaisser des changements de volume au sein d'un espace semi-clos sans que la PIC ne monte de façon délétère pour le patient. En pratique clinique, l'information de la compliance cérébrale est utile pour identifier les patients à risque d'HTIC, ainsi que pour ajuster les niveaux de sédation à certains moments critiques, comme la levée du coma artificiel. Le lien entre compliance cérébrale et morphologie de la composante cardiaque du signal de PIC est bien identifié par le corps médical, mais cette dernière n'est quasiment jamais monitorée au lit du patient en raison des difficultés techniques posées par sa quantification~\cite{kazimierska2023analysis}. |
5 | 5 | |
6 | -\paragraph{L'autorégulation cérébrale.} Le débit sanguin cérébral (DSC) dépend du différentiel de pression entre l'aval et l'amont de l'arbre vasculaire cérébral, appelée pression de perfusion cérébrale (PPC). L'autorégulation cérébrale correspond à un mécanisme de protection ayant pour effet de maintenir constant le DSC, en compensant les variations spontanées de PPC par des phénomènes de vasoconstriction / vasodilatation. L'autorégulation cérébrale est particulièrement fonctionnelle lorsque la PPC est située dans une plage de valeurs appelée \textit{plateau d'autorégulation}. Les limites de ce plateau d'autorégulation sont propres à chaque patient, les valeurs de 60 et 70 mmHg étant toutefois indiquées dans les recommandations internationales~\cite{carney2017guidelines}. En pratique clinique, l'objectif est de maintenir la PPC dans cette plage de valeur plus ou moins personnalisée, garantissant ainsi l'irrigation des tissus cérébraux.\\ | |
6 | +\paragraph{L'autorégulation cérébrale.} Le débit sanguin cérébral (DSC) dépend du différentiel de pression entre l'aval et l'amont de l'arbre vasculaire cérébral, appelée pression de perfusion cérébrale (PPC). L'autorégulation cérébrale correspond à un mécanisme de protection ayant pour effet de maintenir constant le DSC, en compensant les variations spontanées de PPC par des phénomènes de vasoconstriction / vasodilatation. L'autorégulation cérébrale est particulièrement fonctionnelle lorsque la PPC est située dans une plage de valeurs appelée \textit{plateau d'autorégulation}. Les limites de ce plateau d'autorégulation sont propres à chaque patient et varient dans le temps. En pratique clinique, l'objectif est de maintenir la PPC dans cette plage de valeur plus ou moins personnalisée, garantissant ainsi l'irrigation des tissus cérébraux. Si les recommandations internationales pour le traitement du traumatisme crânien de 2017 situent le plateau d'autorégulation entre 60 et 70 mmHg~\cite{carney2017guidelines}, les recommandations françaises considèrent plutôt ces valeurs comme une première approximation pouvant être affinées pour un patient donné à partir de différents indices d'autorégulation cérébrale~\cite{geeraerts2016management}. Quoiqu'il en soit, la sortie du plateau d'autorégulation peut avoir des conséquences graves pour le patient. Lorsque la PPC est inférieure à la limite basse (\textit{lower limit of autoregulation}, LLA), le DSC devient très dépendant de la PPC et expose la patient à une ischémie secondaire~\cite{small2022we}. Lorsque la PPC est supérieure à la limite haute (\textit{upper limit of autoregulation}, ULA), les mécanismes de vasoconstriction ne compensent plus l'augmentation du DSC et expose le patient à un à un risque d'encéphalopathie hypertensive se traduisant par un oedème vasogénique par extravasation de sang à travers la paroi des vaisseaux~\cite{czosnyka2022pro}. | |
7 | 7 | \par Classiquement, les indicateurs de compliance cérébrale comme d'autorégulation cérébrale sont associés à des seuils pathologiques définis rétrospectivement à partir du devenir de patients inclus dans de larges cohortes d'étude. Si cette approche permet de dégager de grandes tendances, de fournir des critères de décision clairs pour le praticien et de s'assurer de la robustesse des indicateurs choisis, certaines limites sont à mentionner. En premier lieu, les algorithmes thérapeutiques basés sur des seuils sont difficiles à personnaliser d'un patient à l'autre, et nécessitent un temps de monitorage long (plusieurs heures). Ceux-ci présentent également le risque de s'ancrer dans une posture réactive, en ne traitant que les conséquences telles que mesurées par ces indices plutôt que les causes sous-jacentes. Enfin, les mécanismes de compliance et d'autorégulation cérébrale censés être mesurés par ces indices ne sont jamais explicitement sollicités lors de ces grandes études rétrospectives. |
8 | 8 | |
9 | 9 | \par Pour faire face à ces limites, le parti pris des études présentées ici consiste à mettre à l'épreuve les mécanismes de compliance cérébrale ou d'autorégulation cérébrale étudiés dans le cadre d'un protocole dédié. En contrepartie d'un nombre de patients réduit, cette approche permet d'étudier directement les mécanismes d'intérêt sans recourir à des intermédiaires tels qu'un score d'état clinique en sortie de réanimation. En pratique clinique, l'ambition de ces études est de pouvoir proposer à terme une médecine davantage personnalisée, en recherchant proactivement à optimiser la compliance et l'autorégulation cérébrale, tout en anticipant les épisodes d'hypertension intracrânienne. |
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11 | 11 | Les problématiques de recherche peuvent être résumées ainsi: |
12 | 12 | \begin{itemize} |
13 | 13 | \item Quels aspects de la compliance cérébrale sont reflétés par la morphologie du signal de PIC? |
14 | -\item Comment identifier proactivement la limite inférieure du plateau d'autorégulation cérébrale? | |
14 | +\item Comment identifier proactivement la LLA? | |
15 | 15 | \end{itemize} |
16 | 16 | |
17 | 17 | \section*{Indications de lecture} |
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24 | 24 | \item HTIC --- Hypertension intracrânienne. Désigne une PIC supérieure à 20 mmHg de manière continue pendant plusieurs minutes. |
25 | 25 | \item PPC --- Pression de perfusion cérébrale. Correspond au différentiel de pression entre l'aval et l'amont de l'arbre vasculaire cérébral. En négligeant la pression veineuse systémique, la PPC est estimée par la relation PPC = PA - PIC. Dans le cas de patients ne bénéficiant pas de monitorage de la PIC, car considérés comme sans risque d'HTIC, la PPC est simplement approximée par la PA. |
26 | 26 | \item V\textsubscript{m} --- Vitesse moyenne du sang dans l'artère cérébrale moyenne. Celle-ci est mesurée par ultrasonographie en exploitant l'effet Doppler. |
27 | -\item DSC --- Débit sanguin cérébral. Le DSC n'est pas directement mesurable ; dans le cadre de la mesure de l'autorégulation cérébrale, le DSC doit être remplacé par l'un de ses dérivés : on considèrera ici la V\textsubscript{m}, dont la limite réside dans le fait qu'il ne s'agit que d'une mesure locale dans une artère de diamètre exact inconnu, et la PIC, présentant l'inconvénient d'être un indicateur de volume plutôt que de débit, et donc de dépendre de la compliance cérébrale. | |
27 | +\item DSC --- Débit sanguin cérébral. Le DSC n'est pas directement mesurable ; dans le cadre de la mesure de l'autorégulation cérébrale, le DSC doit être remplacé par l'un de ses dérivés : on considérera ici la V\textsubscript{m}, dont la limite réside dans le fait qu'il ne s'agit que d'une mesure locale dans une artère de diamètre exact inconnu, et la PIC, présentant l'inconvénient d'être un indicateur de volume plutôt que de débit, et donc de dépendre de la compliance cérébrale. | |
28 | +\item LLA--- "Low limit of autoregulation" correspond à la valeure minimale de PPC du plateau d'autorégulation | |
29 | +\item ULA--- "Upper limit of autoregulation" correspond à la valeure supérieure du plateau d'autorégulation. | |
28 | 30 | \end{itemize} |
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1 | 1 | \section{Introduction} |
2 | -En 1959, Niels Lassen formalise le concept d'autorégulation cérébrale~\cite{lassen1959cerebral} (AC), mécanisme de protection permettant d'assurer une certaine constance du débit sanguin cérébral (DSC) face aux variations de pression de perfusion cérébrale (PPC). En situation physiologique, l'AC agit comme un filtre passe-haut atténuant les variations de PPC ~\ref{silverman2020physiology} dans un domaine fréquentiel classiquement étudié entre 0.02 et 0.5 Hz~\cite{panerai2023transfer}. Toutefois, les mécanismes d'AC ne sont véritablement fonctionnels que dans une certaine plage de valeurs de PPC, appelé \textit{plateau d'autorégulation}. La limite inférieure de ce plateau d'AC, nommée \textit{Lower Limit of Autoregulation} (LLA), est variable selon les patients et les pathologies ; toutefois, les recommandations internationales préconisent de maintenir la PPC du patient atteint de traumatisme crânien (TC) entre 60 et 70 mmHg~\cite{carney2017guidelines}. En unité de soins intensifs, les capacités d'autorégulation sont classiquement étudiées dans le domaine temporel au moyen d'indices de corrélation entre la PPC et un dérivé du DSC, notamment la vitesse moyenne du sang dans une artère cérébrale (Vm) ou la pression intracrânienne (PIC) (voir section~\ref{autorégulation}). Ces méthodes, soutenues par un volume de littérature important, permettent d'ajuster la consigne standard de 60 à 70 mmHg à un patient donné et à un moment donné. Toutefois, celles-ci s'appuient uniquement sur des variations spontanées de la PPC et nécessitent donc des temps de monitorage longs (au minimum 4h~\cite{beqiri2021optimal}) pour identifier une LLA. | |
3 | -\par En pratique clinique, une alternative consiste à explorer proactivement différentes valeurs de PPC pour rechercher une zone de rupture dans la relation entre PPC et Vm, et situer ainsi les limites du plateau d'autorégulation. Sur ces temps de mesure plus courts, l'AC peut être directement caractérisée par le portrait de phase PPC-Vm en se reconstituant la courbe de Lassen pour un patient spécifique (voir section~\ref{autorégulation}). Dans la présente étude, l'emplacement du point de rupture correspondant à la LLA est confirmé en comparant les portraits de phase de différentes variables calculées. En particulier, l'index de pulsatilité (IP) du signal de Doppler transcrânien est souvent utilisé en parallèle de la valeur directe de V\textsubscript{m} en raison de son indépendance à l'angle d'insonation. De plus, le seul pathologique de 1.4 est généralement admis dans la littérature, et correspond à une gêne de l'écoulement du sang dans l'arbre vasculaire cérébral~\cite{ract2007transcranial}. Sur le signal de PIC, les variations d'amplitude de la composante cardiaque ont déjà été étudiées comme le reflet de changements de résistance à l'écoulement du sang~\cite{mahfoud2010intracranial}. Enfin, dans le domaine fréquentiel, le gain et la phase de la fonction de transfert entre PPC et Vm sont des indicateurs largement utilisés dans la communauté scientifique. Cependant, l'utilisation de la transformée de Fourier suppose à la fois une stationnarité des deux signaux et une linéarité de la réponse, hypothèses non-respectées au cours de l'épreuve. Pour contourner ces problèmes, le calcul d'un gain et d'un déphasage instantanés sont proposés à partir d'une décomposition non-linéaire du signal appelée filtrage itératif multivarié (MFIF, voir section~\ref{FIF}). | |
2 | +En 1959, Niels Lassen formalise le concept d'autorégulation cérébrale~\cite{lassen1959cerebral} (AC), mécanisme de protection permettant d'assurer une certaine constance du débit sanguin cérébral (DSC) face aux variations de pression de perfusion cérébrale (PPC). En situation physiologique, l'AC agit comme un filtre passe-haut atténuant les variations de PPC ~\ref{silverman2020physiology} dans un domaine fréquentiel classiquement étudié entre 0.02 et 0.5 Hz~\cite{panerai2023transfer}. Toutefois, les mécanismes d'AC ne sont véritablement fonctionnels que dans une certaine plage de valeurs de PPC, appelé \textit{plateau d'autorégulation}. La limite inférieure de ce plateau d'AC, nommée \textit{Lower Limit of Autoregulation} (LLA), est variable selon les patients et les pathologies ; toutefois, les recommandations internationales préconisent de maintenir la PPC du patient atteint de traumatisme crânien (TC) entre 60 et 70 mmHg~\cite{carney2017guidelines}. Classiquement, les capacités d'autorégulation sont quantifiées en étudiant la relation existant entre la PPC et un dérivé du DSC, généralement la vitesse moyenne du sang dans une artère cérébrale (Vm) estimée par ultrasonographie. Toutefois, certaines méthodes de mesure, plus spécifiques aux unités de soins intensifs, permettent de s'adapter à la fragilité des patients tout en tirant parti des longs segments de monitorage disponibles (voir section~\ref{autorégulation}). Dans ce cadre, l'AC peut notamment être étudiée à partir de la relation existant entre la PA et la PIC, en gardant à l'esprit que cette dernière est un dérivé du volume sanguin cérébral (VSC) et non du DSC. La caractérisation de l'AC repose alors sur le fait que les mécanismes de vasoconstriction artérielle observés sur le plateau d'autorégulation causent une diminution du VSC. Quel que soit le couple de signaux choisi (PPC et Vm ou PA et PIC), l'AC est généralement étudiée dans le domaine temporel à partir d'indices de corrélation glissante. Ces derniers, soutenus par un volume important de littérature, permettent d'ajuster la consigne standard de 60 à 70 mmHg à un patient donné et à un moment donné. Toutefois, le calcul des corrélations glissantes s'appuie uniquement sur des variations spontanées de la PPC et nécessite donc un temps de monitorage long (au minimum 4h~\cite{beqiri2021optimal}) pour identifier une LLA. | |
3 | +\par En pratique clinique, une alternative consiste à explorer proactivement différentes valeurs de PPC pour rechercher une zone de rupture dans la relation entre PPC et Vm, et situer ainsi les limites du plateau d'autorégulation. Sur ces temps de mesure plus courts, l'AC peut être directement caractérisée par le portrait de phase PPC-Vm en se reconstituant la courbe de Lassen pour un patient spécifique (voir section~\ref{autorégulation}). Dans la présente étude, l'emplacement du point de rupture correspondant à la LLA est confirmé en comparant les portraits de phase de différentes variables calculées. En particulier, l'index de pulsatilité (IP) du signal de Doppler transcrânien est souvent utilisé en parallèle de la valeur directe de V\textsubscript{m} en raison de son indépendance à l'angle d'insonation. De plus, le seuil pathologique à partir de 1,2-1.4 est généralement admis dans la littérature, et correspond à une gêne de l'écoulement du sang dans l'arbre vasculaire cérébral~\cite{ract2007transcranial}. Sur le signal de PIC, les variations d'amplitude de la composante cardiaque ont déjà été étudiées comme le reflet de changements de résistance à l'écoulement du sang~\cite{mahfoud2010intracranial}. Enfin, dans le domaine fréquentiel, le gain et la phase de la fonction de transfert entre PPC et Vm sont des indicateurs largement utilisés dans la communauté scientifique. Cependant, l'utilisation de la transformée de Fourier suppose à la fois une stationnarité des deux signaux et une linéarité de la réponse, hypothèses non-respectées au cours de l'épreuve. Pour contourner ces problèmes, le calcul d'un gain et d'un déphasage instantanés sont proposés à partir d'une décomposition non-linéaire du signal appelée filtrage itératif multivarié (MFIF, voir section~\ref{FIF}). | |
4 | 4 | \par Ainsi, la présente étude vise ainsi à comparer la localisation du plateau d'autorégulation obtenue à l'issue d'une épreuve de variation de PA induite par modulation du débit de noradrénaline (NAD) avec les approches rétrospectives classiques impliquant le calcul du Mx (corrélation glissante entre PPC et V\textsubscript{m}) et du PRx (corrélation glissante entre PA et PIC). |
5 | 5 | |
6 | 6 | \section{Matériel et méthodes} |
7 | 7 | |
8 | 8 | \subsection{Collecte des données} |
9 | -Vingt-six patients atteints de TC admis en unité de réanimation dans les CHU de Saint-Étienne, Clermont-Ferrand ou Rennes entre avril 2023 et juillet 2025 ont été inclus dans l'étude. Au cours de leur séjour en réanimation, ces patients ont bénéficié d'une prise en charge conforme aux recommandations internationales quant au traitement du TC~\ref{carney2017guidelines}. Le consentement éclairé oral a été obtenu et documenté en même temps que les données cliniques. Si le patient n'était pas en mesure de donner son consentement, le clinicien a obtenu le consentement oral des membres de sa famille ou de ses proches. Avant d'obtenir le consentement, une notice d'information, comprenant les coordonnées de contact pour le retrait, a été fournie. Le protocole des épreuves consiste à diminuer temporairement le débit de perfusion de noradrénaline (NAD) de façon à provoquer une baisse passagère de PA (et donc de la PPC). Une épreuve complète est constituée d'une phase de baisse progressive de la PA, et d'une phase de remontée au niveau initial après le passage par une valeur minimale. Selon la réponse du patient à la baisse du débit de NAD, les épreuves étudiées durent entre 10 et 30 min, pour une variation de PPC (estimée par la relation PAM - PIC) d'au moins 15 mmHg. Le détail des épreuves est présenté dans la table~\ref{optimap-tab:challenges}. Les épreuves ont été réalisées dans les dix premiers jours de traitement. Dans le cas de cinq patients, deux épreuves ont été réalisées, avec un espacement minimum de 24h, portant à 31 le total d'épreuves étudiées. Durant ces épreuves, les patients bénéficiaient d'un monitorage de PIC au moyen d'un capteur intraparenchymateux (Pressio, Sophysa, France) et d'un monitorage invasif de la PA en plaçant le capteur au niveau du tragus de de l'oreille. De plus, la vitesse moyenne du sang passant dans l'artère cérébrale médiane était suivie au moyen d'un Doppler transcrânien équipée d'une sonde robotisée et émettant des ultrasons de fréquence 2 MHz (Waki, Atys, France). | |
9 | +Vingt-six patients atteints de TC admis en unité de réanimation dans les CHU de Saint-Étienne, Clermont-Ferrand ou Rennes entre avril 2023 et juillet 2025 ont été inclus dans l'étude. Au cours de leur séjour en réanimation, ces patients ont bénéficié d'une prise en charge conforme aux recommandations internationales quant au traitement du TC~\ref{carney2017guidelines}. La non opposition à l'utilisation des données clinique et des monitorages a été recherchée auprès du patient et/ou de sa famille. Une notice d'information expliquant l'étude et précisant la possibilité de s'opposer à l'utilisation de leurs données a été envoyée au patient/famille des patients inclus. | |
10 | +En France, comme indiqué dans les recommandations publiées en 2018~\cite{geeraerts2016management}, la PPC doit être titrée sur les données de l'AC. En fonction des équipes, les modalités de cette titration sont variables. Dans les centres concernés par l'étude, le protocole de titration consiste à réaliser des challenges pressionnels en modulant le débit de perfusion de noradrénaline (NAD) de façon à provoquer une baisse passagère de PA (et donc de la PPC). Une épreuve complète est constituée le plus souvent d'une phase de baisse progressive de la PA, et d'une phase de remontée au niveau initial après le passage par une valeur minimale qui correspond aux posologies minimales de NAD. Selon la réponse du patient à la baisse du débit de NAD, les épreuves étudiées durent entre 10 et 30 min, pour une variation de PPC (estimée par la relation PAM - PIC) d'au moins 15 mmHg. Le détail des épreuves est présenté dans la table~\ref{optimap-tab:challenges}. Les épreuves ont été réalisées dans les dix premiers jours de traitement. Dans le cas de cinq patients, deux épreuves ont été réalisées, avec un espacement minimum de 24h, portant à 31 le total d'épreuves étudiées. Durant ces épreuves, les patients bénéficiaient d'un monitorage de PIC au moyen d'un capteur intraparenchymateux (Pressio, Sophysa, France) et d'un monitorage invasif de la PA en plaçant le capteur au niveau du tragus de de l'oreille. De plus, la vitesse moyenne du sang passant dans l'artère cérébrale médiane était suivie au moyen d'un Doppler transcrânien équipée d'une sonde robotisée et émettant des ultrasons de fréquence 2 MHz (Waki, Atys, France). | |
10 | 11 | |
11 | 12 | \begin{table} |
12 | 13 | \centering |
13 | 14 | \begin{tabular}{|c||l|l|l|} |
14 | 15 | \hline |
15 | - & Début épreuve& Reprise NAD&Fin épreuve\ | |
16 | + & Début épreuve& Réaugmentation NAD&Fin épreuve\ | |
16 | 17 | \hline |
17 | 18 | Temps (min)& 0& 6.3 (4.0 - 12.3)&17.1 (13.0 - 26.29)\\ |
18 | 19 | PAM (mmHg)& 93.7 (86.1 - 104.8)& 65.2 (56.6 - 72.1)&91.3 (85.3 - 97.0)\\ |
19 | 20 | |
20 | 21 | |
... | ... | @@ -45,15 +46,15 @@ |
45 | 46 | |
46 | 47 | \subsection{Détermination de la LLA au cours des épreuves} |
47 | 48 | |
48 | -En abaissant momentanément la PPC, l'objectif est de franchir la limite basse du plateau d'AC du patient, ou LLA. Une fois cette transition passée, les variations de PPC sont transmises passivement au débit sanguin cérébral estimé par la Vm mesurée dans l'artère cérébrale moyenne. La LLA est déterminée à partir des signaux de Vm et de PPC (estimée par la relation PA - Vm). Pour ce faire, la Vm est tracée en fonction de la PPC. Une modélisation en ligne brisée est implémentée en R 4.5.0 au moyen de la bibliothèque \textit{segmented}~\cite{muggeo2017package}. Cette régression par morceaux consiste en deux droites jointes en un point de rupture. Plus formellement, le modèle estimé est le suivant: | |
49 | +En abaissant momentanément la PPC, l'objectif est de franchir la limite basse du plateau d'AC du patient, ou LLA. En-dessous de la LLA, les variations de PPC sont transmises passivement au débit sanguin cérébral estimé par la Vm mesurée dans l'artère cérébrale moyenne. La LLA est déterminée à partir des signaux de Vm et de PPC (estimée par la relation PA - Vm). Pour ce faire, la Vm est tracée en fonction de la PPC. Une modélisation en ligne brisée est implémentée en R 4.5.0 au moyen de la bibliothèque \textit{segmented}~\cite{muggeo2017package}. Cette régression par morceaux consiste en deux droites jointes en un point de rupture. Plus formellement, le modèle estimé est le suivant: | |
49 | 50 | \begin{equation} |
50 | 51 | \label{seg} |
51 | 52 | PPC = \beta_{0} + \beta_{1}PPC + \delta(PPC - LLA)_{+} + \epsilon |
52 | 53 | \end{equation} |
53 | -où $\delta(PPC - LLA)_{+} = \delta(PPC - LLA)$ si $PPC > LLA$, 0 sinon, et où $\epsilon$ désigne un bruit gaussien. Le paramètre $\delta$ correspond donc au changement de pente observé après le point de cassure correspondant à la LLA. Une valeur de LLA est considérée comme valide si elle satisfait les conditionss suivantes : | |
54 | +où $\delta(PPC - LLA)_{+} = \delta(PPC - LLA)$ si $PPC > LLA$, 0 sinon, et où $\epsilon$ désigne un bruit gaussien. Le paramètre $\delta$ correspond donc au changement de pente observé après le point de cassure correspondant à la LLA. Une valeur de LLA est considérée comme valide si elle satisfait les conditions suivantes : | |
54 | 55 | \begin{itemize} |
55 | 56 | \item La pente de la droite située en-dessous de la LLA ($\beta_{1}$) est positive. |
56 | - \item La pente est plus prononcée sur le plateau qu'en-dessous de la LLA ($\delta < 0$). | |
57 | + \item La pente est plus prononcée en-dessous de la LLA que sur le plateau ($\delta < 0$). | |
57 | 58 | \item L'existence d'un point de rupture est significative (\textit{p-}value $<$ 0.05) au sens du test du $p$-score~\cite{muggeo2016testing}. |
58 | 59 | \end{itemize} |
59 | 60 | |
... | ... | @@ -93,7 +94,7 @@ |
93 | 94 | |
94 | 95 | |
95 | 96 | \subsubsection{Phase et gains instantanés} |
96 | -La mesure de l'autorégulation cérébrale dans le domaine fréquentiel consiste à caractériser la fonction de transfert entre un signal d'entrée (ici, la PPC ou la PA) et un signal de sortie, correspondant à un dérivé du DSC (ici, la V\textsubscript{m} ou la PIC). L'objectif estd'obtenir ici des équivalents de la phase et du gain tels que décrits dans le domaine fréquentiel en s'affranchissant de l'hypothèse de stationnarité imposée par la transformée de Fourier, impossible à satisfaire au cours de l'épreuve. Un gain faible et une phase élevée sont associés à une AC fonctionnelle~\cite{claassen2021regulation}. Différentes propositions dans la littérature consistent à utiliser une décomposition en modes adjointe à la transformée de Hilbert pour calculer un déphasage instantané entre les deux signaux~\cite{hu2008nonlinear}\cite{novak2004multimodal}. Cependant, l'utilisation de la décomposition empirique en modes (EMD), ayant le statut de référence pour cette méthode~\cite{kostoglou2024awhite}, est associée à un coût calculatoire élevé, en plus de ne pas garantir l'alignement de fréquences entre les IMFs. Pour contourner ces difficultés, les différents signaux sont décomposés en fonctions de modes intrinsèques (IMFs) moyen de l'algorithme de filtrage itératif rapide multivarié (MFIF). La version multivariée de l'algorithme de décomposition permet de garantir que pour tout $n$, toutes les IMFs extraites à la $n$-ème itération de l'algorithme couvrent les même fréquences. Pour chaque IMF dont la fréquence moyenne est comprise dans la bande de fréquence de l'AC (de 0.02 à 0.5 Hz), l'amplitude et la phase instantanée sont calculées au moyen de la transformée de Hilbert, pour obtenir un signal analytique (complexe) de la forme $Z : t \rightarrow s(t) + i\mathcal{H}(s)(t) = a(t)e^{i\theta(t)}$ où $\mathcal{H}(s)$ désigne la transformée de Hilbert du signal $s$, $a$ l'amplitude instantanée et $\theta$ la phase instantanée. Le gain instantané $G_{inst}$ est alors défini pour une bande de fréquence $B$ tel que : | |
97 | +La mesure de l'autorégulation cérébrale dans le domaine fréquentiel consiste à caractériser la fonction de transfert entre un signal d'entrée (ici, la PPC ou la PA) et un signal de sortie, correspondant à un dérivé du DSC (ici, la V\textsubscript{m} ou la PIC) ou du VSC (ici, la PIC). L'objectif est d'obtenir ici des équivalents de la phase et du gain tels que décrits dans le domaine fréquentiel en s'affranchissant de l'hypothèse de stationnarité imposée par la transformée de Fourier, impossible à satisfaire au cours de l'épreuve. Un gain faible et une phase élevée sont associés à une AC fonctionnelle~\cite{claassen2021regulation}. Différentes propositions dans la littérature consistent à utiliser une décomposition en modes adjointe à la transformée de Hilbert pour calculer un déphasage instantané entre les deux signaux~\cite{hu2008nonlinear}\cite{novak2004multimodal}. Cependant, l'utilisation de la décomposition empirique en modes (EMD), ayant le statut de référence pour cette méthode~\cite{kostoglou2024awhite}, est associée à un coût calculatoire élevé, en plus de ne pas garantir l'alignement de fréquences entre les IMFs. Pour contourner ces difficultés, les différents signaux sont décomposés en fonctions de modes intrinsèques (IMFs) moyen de l'algorithme de filtrage itératif rapide multivarié (MFIF). La version multivariée de l'algorithme de décomposition permet de garantir que pour tout $n$, toutes les IMFs extraites à la $n$-ème itération de l'algorithme couvrent les même fréquences. Pour chaque IMF dont la fréquence moyenne est comprise dans la bande de fréquence de l'AC (de 0.02 à 0.5 Hz), l'amplitude et la phase instantanée sont calculées au moyen de la transformée de Hilbert, pour obtenir un signal analytique (complexe) de la forme $Z : t \rightarrow s(t) + i\mathcal{H}(s)(t) = a(t)e^{i\theta(t)}$ où $\mathcal{H}(s)$ désigne la transformée de Hilbert du signal $s$, $a$ l'amplitude instantanée et $\theta$ la phase instantanée. Le gain instantané $G_{inst}$ est alors défini pour une bande de fréquence $B$ tel que : | |
97 | 98 | \begin{equation} |
98 | 99 | G_{inst}(X, Y)(t) = \frac{1}{\|B\|}\sum_{i \in B} \frac{a_{i, Y}(t)}{a_{i, X}(t)} |
99 | 100 | \end{equation} |
... | ... | @@ -149,7 +150,7 @@ |
149 | 150 | $G_{inst}(PA, PIC)$& -0.568& 0.028& -0.063& 66.2& 0.870& 0.021& 0.066&9.8\\ |
150 | 151 | $G_{inst}(PPC, Vm)$& 5.593& -0.022& 0.063& 64.8& 4.634& 0.057& 0.164&8.4\\ |
151 | 152 | $\Phi_{inst}(PA, PIC)$& -0.080& 0.024& -0.026& 68.0& 1.077& 0.018& 0.034&10.1\\ |
152 | - $\Phi_{inst}(PPC, Vm)$& 0.282& 0.025& -0.024& 66.3& 0.934& 0.015& 0.024&7.5\\ \bottomrule | |
153 | + $\Phi_{inst}(PPC, Vm)$& 0.282& 0.025& -0.024& 66.3& 0.934& 0.015& 0.024&7.5\\ \hline | |
153 | 154 | \end{tabular} |
154 | 155 | } |
155 | 156 | \caption{Coefficients des modèles mixtes en ligne brisée. Vm --- Vitesse moyenne, IP --- Index de pulsatilité, LLA - \textit{Lower limit of autoregulation}, PIC--- Pression intracrânienne, AMP* --- amplitude de la composante cardiaque du signal de PIC normalisée par l'amplitude du signal de pression artérielle} |
156 | 157 | |
157 | 158 | |
158 | 159 | |
159 | 160 | |
160 | 161 | |
161 | 162 | |
... | ... | @@ -223,27 +224,26 @@ |
223 | 224 | \label{tab:Optimap-wilcoxon} |
224 | 225 | \end{table} |
225 | 226 | |
226 | -Si les valeurs de LLA sont influencées par la partie de l'épreuve prise en compte, le bruit de mesure se semble être asymétrique que dans le cas de l'IP (et potentiellement dans le cas du déphasage entre la PPC et la Vm). Pour ces deux variables, les ruptures tendent à être observées à des valeurs plus élevées de PPC dans la descente que dans la montée. | |
227 | +Si les valeurs de LLA sont influencées par la partie de l'épreuve prise en compte, la différence de mesure est davantage prononcée dans le cas de l'IP (et potentiellement dans le cas du déphasage instantané entre la PPC et la Vm). Pour ces deux variables, les ruptures tendent à être observées à des valeurs plus élevées de PPC dans la phase de descente que dans la phase de remontée. | |
227 | 228 | |
228 | 229 | \section{Discussion} |
229 | -Dans cette étude, 31 épreuves d'hypotension réparties sur 24 patients ont été effectuées pour identifier la limite basse du plateau d'autorégulation cérébrale, ou LLA. En-deçà de celle-ci, la baisse de PPC n'est plus compensée par des mécanismes de vasodilatation des artères cérébrales. Si la variabilité dans la durée des épreuves est importante (de 5 minutes à une demi-heure), l'échelle de temps reste grande devant la plage de fréquences classiquement utilisée pour caractériser l'AC (de 0.02 à 0.5 Hz, c'est-à-dire des périodes de 2 à 50 secondes). Cependant, la cinétique et l'amplitude des variations de PPC étant difficiles à reproduire d'un patient à un autre en raison des réponses différentes au débit de NAD, différentes variables calculées sont suivies en parallèle de la V\textsubscript{m} pour chercher une confirmation dans les valeurs obtenues. | |
230 | +Dans cette étude, 31 épreuves d'hypotension réparties sur 24 patients ont été effectuées pour identifier la limite basse du plateau d'autorégulation cérébrale, ou LLA. En-deçà de celle-ci, la baisse de PPC n'est plus compensée par des mécanismes de vasodilatation des artères cérébrales. Si la variabilité dans la durée des épreuves est importante (de 5 minutes à une demi-heure), l'échelle de temps reste grande devant la plage de fréquences classiquement utilisée pour caractériser l'AC (de 0.02 à 0.5 Hz, c'est-à-dire des périodes de 2 à 50 secondes). Cependant, la cinétique et l'amplitude des variations de PPC étant difficiles à reproduire d'un patient à un autre en raison des réponses hétérogènes d'un patient à l'autre aux posologies de NAD, différentes variables calculées sont suivies en parallèle de la V\textsubscript{m} pour chercher une confirmation dans les valeurs obtenues. | |
230 | 231 | |
231 | 232 | \subsection{Réponses du système à l'épreuve d'hypotension} |
232 | -Les modèles mixtes de régression en ligne brisée permettent de mettre en évidence une réponse générale du système à l'échelle de la population étudiée en fonction de la PPC atteinte (figure~\ref{optimap-fig:fixes}). Sur le signal de V\textsubscript{m}, à l'échelle de la population, une rupture est nettement visible autour de 60 mmHg, en-deçà de laquelle la pente PPC / Vm augmente : les mécanismes d'AC deviennent progressivement inopérants ; les variations de PPC sont transmises passivement au DSC, et donc à la Vm. L'écart type autour de la position de rupture moyenne est de 11.75 mmHg, traduisant une certaine variabilité de la LLA en fonction des patients, et donc l'intérêt de préciser individuellement la plage générale conseillée pour le TC (de 60 à 70 mmHg~\ref{carney2017guidelines}). En confirmation, l'IP augmente de façon plus marquée au-delà de cette rupture, traduisant une gêne de l'écoulement du sang dans l'arbre vasculaire cérébral. Différents marqueurs convergent également vers une baisse de volume sanguin cérébral : les ratios P2/P1 et F2/F1, causés par l'onde de réflexion de l'arrivée du sang systolique au cerveau, tendent à baisser, bien qu'aucune rupture ne soit observée dans leur relation avec la PPC. La baisse de ces ratios peut traduire une réflexion amortie par des parois artérielles vasodilatées et une diminution du volume sanguin cérébral. Concernant les réponses dans le domaine fréquentiel, l'interprétation classique consiste à considérer un gain élevé comme un signe d'AC dysfonctionnelle, dans la mesure où les variations dans le signal d'entrée ne sont pas amorties sur le signal de sortie. Au contraire, un déphasage élevé est associé à des mécanismes d'AC intacts, cette désynchronisation étant due à un retour rapide du signal de sortie à son état initial. Dans le cas présent, les réponses en gain sont difficilement interprétables du fait des grandes disparités existant dans la réponse des patients (par exemple, l'écart type des effets aléatoires sur la différence de pente du gain PA/PIC est près de trois fois plus important que la différence de pente moyenne, voir tableau~\ref{tab:Optimap-mixed}). En revanche, la réponse au changement de PAM est nettement marquée sur le déphasage instantané, entre la PPC et la Vm comme entre la PA et la PIC. En-deçà de la LLA, une synchronisation s'opère entre le signal de sortie et le signal d'entrée, traduisant un épuisement des mécanismes d'AC. | |
233 | +Les modèles mixtes de régression en ligne brisée permettent de mettre en évidence une réponse générale du système à l'échelle de la population étudiée en fonction de la PPC atteinte (figure~\ref{optimap-fig:fixes}). Sur le signal de V\textsubscript{m}, à l'échelle de la population, une rupture est nettement visible autour de 60 mmHg, en-deçà de laquelle la pente PPC / Vm augmente : les mécanismes d'AC deviennent progressivement inopérants ; les variations de PPC sont transmises passivement au DSC, et donc à la Vm. L'écart type autour de la position de rupture moyenne est de 11.75 mmHg, traduisant une certaine variabilité de la LLA en fonction des patients, et donc l'intérêt de préciser individuellement la plage générale conseillée pour le TC (de 60 à 70 mmHg~\ref{carney2017guidelines}). En confirmation, l'IP augmente de façon plus marquée en dessous de cette rupture, traduisant une gêne de l'écoulement du sang dans l'arbre vasculaire cérébral. Différents marqueurs convergent également vers une baisse de volume sanguin cérébral : les ratios P2/P1 et F2/F1, causés par l'onde de réflexion de l'arrivée du sang systolique au cerveau, tendent à baisser, bien qu'aucune rupture ne soit observée dans leur relation avec la PPC. La baisse de ces ratios peut traduire une réflexion amortie par des parois artérielles vasodilatées et une diminution du volume sanguin cérébral. Concernant les réponses dans le domaine fréquentiel, l'interprétation classique consiste à considérer un gain élevé comme un signe d'AC dysfonctionnelle, dans la mesure où les variations dans le signal d'entrée ne sont pas amorties sur le signal de sortie. Au contraire, un déphasage élevé est associé à des mécanismes d'AC intacts, cette désynchronisation étant due à un retour rapide du signal de sortie à son état initial. Dans le cas présent, les réponses en gain sont difficilement interprétables du fait des grandes disparités existant dans la réponse des patients (par exemple, l'écart type des effets aléatoires sur la différence de pente du gain PA/PIC est près de trois fois plus important que la différence de pente moyenne, voir tableau~\ref{tab:Optimap-mixed}). En revanche, la réponse au changement de PAM est nettement marquée sur le déphasage instantané, entre la PPC et la Vm comme entre la PA et la PIC. En-deçà de la LLA, une synchronisation s'opère entre le signal de sortie et le signal d'entrée, traduisant un épuisement des mécanismes d'AC. | |
233 | 234 | |
234 | 235 | \subsection{Détermination de la LLA} |
235 | -La conception des épreuves doit permettre une mesure directe de la LLA en reconstruisant la courbe de Lassen pour un patient donné, contrairement aux mesures rétrospectives classiques s'appuyant sur des variations spontanées de la PPC sur le temps long. Toutefois, | |
236 | -les valeurs de LLA obtenues sont grandement influencées par la variable utilisée et par la phase de l'épreuve étudiée (montée, descente, épreuve entière). Concernant ce dernier paramètre, la concordance entre les différentes méthodologies est plus prononcé dans la phase de montée (voir figures~\ref{fig:Optimap-ba_challenges} et \ref{fig:Optimap-lin}) que pendant la descente, ou même en considérant l'épreuve complète. Cette observation peut s'expliquer par une différence mécanique existant entre les deux phases de l'épreuve. Lors de la remontée, les artérioles sont entièrement dilatées et le système reçoit passivement un débit sanguin subitement ré-augmenté. La réponse est donc plus immédiate et synchronisée, là où lors de la descente, la baisse de débit provoque un dé-recrutement progressif de différentes régions de l'arbre vasculaire cérébral. Cette interprétation est corroborée par la différence observée sur les LLAs calculées entre la descente et la montée de PPC (voir tableau~\ref{tab:Optimap-wilcoxon}), où les valeurs obtenues tendent à être plus élevées dans la première phase, en particulier lorsque calculées sur l'IP. Quoiqu'il en soit, les valeurs de LLA obtenues restent assez disparates, d'autant plus qu'aucune des méthodes n'a permis l'identification systématique d'une valeur de LLA (voir tableau~\ref{tab:Optimap-valid}). | |
236 | +La conception des épreuves doit permettre une mesure directe de la LLA en reconstruisant la courbe de Lassen pour un patient donné, contrairement aux mesures rétrospectives classiques s'appuyant sur des variations spontanées de la PPC sur le temps long. Toutefois, les valeurs de LLA obtenues sont grandement influencées par la variable utilisée et par la phase de l'épreuve étudiée (montée, descente, épreuve entière). Concernant ce dernier paramètre, la concordance entre les différentes méthodologies est plus prononcé dans la phase de montée (voir figures~\ref{fig:Optimap-ba_challenges} et \ref{fig:Optimap-lin}) que pendant la descente, ou même en considérant l'épreuve complète. Cette observation peut s'expliquer par une différence mécanique existant entre les deux phases de l'épreuve. Lors de la remontée, les artérioles sont entièrement dilatées et le système reçoit passivement un débit sanguin subitement ré-augmenté. La réponse est donc plus immédiate et synchronisée, là où lors de la descente, la baisse de débit provoque un dé-recrutement progressif de différentes régions de l'arbre vasculaire cérébral. Cette interprétation est corroborée par la différence observée sur les LLAs calculées entre la descente et la montée de PPC (voir tableau~\ref{tab:Optimap-wilcoxon}), où les valeurs obtenues tendent à être plus élevées dans la première phase, en particulier lorsque calculées sur l'IP. Quoiqu'il en soit, les valeurs de LLA obtenues restent assez disparates, d'autant plus qu'aucune des méthodes n'a permis l'identification systématique d'une valeur de LLA (voir tableau~\ref{tab:Optimap-valid}). | |
237 | 237 | |
238 | 238 | \par Concernant la comparaison avec le plateau d'autorégulation déterminé par les méthodes rétrospectives, les valeurs de PPC\textsubscript{opt} obtenues sont cohérentes avec le résultat des épreuves. Ainsi, les valeurs de PPCopt, obtenues avec le Mx comme avec le PRx, sont situées en moyenne autour de 10 mmHg au-dessus de la LLA déterminée par l'épreuve. Toutefois, le seuil de 0.3 utilisé pour déterminer les LLAs peut être sujet à discussion, l'accord entre les deux méthodes pour situer la limite inférieur du plateau d'AC restant limité. En pratique clinique, les méthodes rétrospectives nécessitent une grande durée de monitorage. Dans le cas présent, le monitorage d'une heure peut sembler court en regard du minimum de quatre heures généralement requis pour la construction de la courbe quadratique. Cette durée limitée est toutefois compensée en incluant l'épreuve du protocole, induisant ainsi les variations nécessaires à l'identification d'une PPC\textsubscript{opt} dans un tiers des épreuves. |
239 | 239 | |
240 | -\par Au vu des résultats, une suggestion pour la pratique clinique serait d'utiliser l'épreuve de NAD pour placer rapidement le patient à une valeur de PPC optimale, dont la pertinence peut être ré-évaluée par la suite au moyen d'indices de corrélation comme le Mx et le PRx. Du fait des disparités observées, la détermination de la LLA au moyen de l'épreuve doit être appuyée graphiquement par le portrait de phase de l'épreuve, et de préférence validé par différentes variables. Combiner différents indices doit également permettre d'identifier une LLA dans davantage de situations qu'en ne considérant que la Vm en fonction de la PPC. | |
240 | +\par Au vu des résultats, une suggestion pour la pratique clinique serait d'utiliser lun challenge pressionnelle en manipulant les posologies de noradrénaline pour placer rapidement le patient à une valeur de PPC optimale, dont la pertinence peut être ré-évaluée par la suite au moyen d'indices de corrélation comme le Mx et le PRx. Du fait des disparités observées, la détermination de la LLA au moyen de l'épreuve doit être appuyée graphiquement par le portrait de phase de l'épreuve, et de préférence validé par différentes variables. Combiner différents indices doit également permettre d'identifier une LLA dans davantage de situations qu'en ne considérant que la Vm en fonction de la PPC. | |
241 | 241 | |
242 | 242 | \subsection{Limites et perspectives} |
243 | -La première limite réside dans le nombre limité d'épreuves à disposition, encore réduit par le fait que toutes les épreuves ne permettent pas systématiquement d'identifier une LLA. Une possibilité serait de comparer les valeurs calculées avec l'avis d'un expert au lit du malade, permettant d'avoir une vision plus globale de l'état du patient. Cette solution permettrait également de tester la possibilité de simplifier la mise en place du protocole en se passant du Doppler transcrânien, et de ne se baser alors que sur les indices explorant la relation entre PIC et PA pour déterminer une LLA. Les mesures d'autorégulation basées sur l'évolution du PRx prouvent qu'il est possible sur le temps long d'identifier une LLA de manière fiable de cette façon ; cependant, sur le temps court d'une épreuve, les résultats de l'étude montre une certaine divergence entre la relation PPC / V\textsubscript{m} et la relation PA / PIC. | |
243 | +La première limite réside dans le nombre d'épreuves à disposition, réduit par le fait que toutes les épreuves ne permettent pas systématiquement d'identifier une LLA. Une possibilité serait de comparer les valeurs calculées avec l'avis d'un expert au lit du malade, permettant d'avoir une vision plus globale de l'état du patient. Cette solution permettrait également de comparer plus précisément les indices basés sur la relation PA-PIC à leurs équivalents basés sur le couple PPC-Vm. Les mesures d'autorégulation basées sur l'évolution du PRx prouvent qu'il est possible sur le temps long d'identifier une LLA de manière fiable sans DTC ; cependant, sur le temps court d'une épreuve, les résultats de l'étude montre une certaine divergence entre la relation PPC-V\textsubscript{m} et la relation PA-PIC. | |
244 | 244 | |
245 | 245 | \par Un autre questionnement réside dans la cinétique des épreuves, de durées assez variables (de quelques minutes à pratiquement une demi-heure), ainsi que dans l'asymétrie de certaines d'entre elles. Cependant, malgré la difficulté de produire une étude standardisée par patient du fait de la réponse variable au débit de NAD, les différences des résultats entre montée et descente de PPC montrent toute l'importance d'étudier la réponse du système dans ces deux configurations. Enfin, le déphasage instantané mesuré entre la PPC et la Vm, comme entre la PA et la PIC, offre des perspectives intéressantes en tant qu'outil de monitorage continu de l'AC. En effet, cet indice réagit de façon interprétable à l'épreuve d'hypotension, tout en présentant l'intérêt de ne nécessiter aucun autre paramètre que la plage de fréquences étudiée, bien identifiée dans la littérature. De plus, celui-ci est soutenu par une littérature abondante sur l'autorégulation cérébrale, tout en contournant les principales limitations de l'analyse de Fourier (linéarité, stationnarité). Une évolution potentielle serait de calculer une phase instantanée par un autre moyen que la transformée de Hilbert, celle-ci pouvant être sujette à certains artefacts numériques, notamment dans le cas de discontinuités du signal~\ref{sharpley2006analysis}. |
246 | 246 | |
247 | 247 | \section{Conclusion} |
248 | -La détermination d'une LLA à partir d'une épreuve d'hypotension est possible, et relativement consistante avec les résultats obtenus sur un temps long de monitorage à partir d'indices de corrélation. Toutefois, la manœuvre reste opérateur-dépendant. La décision doit être prise par le clinicien sur la base du portrait de phase PPC-Vm, confirmée par différentes variables telles que l'IP ou le déphasage instantané entre la PPC et la Vm. Prendre en considération les différences de réponse du patient lors d'une montée ou d'une baisse de PPC permet également d'affiner la limite du plateau d'autorégulation. | |
248 | +La détermination d'une LLA à partir d'un challenge pressionnel est possible, et relativement consistante avec les résultats obtenus sur un temps long de monitorage à partir d'indices de corrélation. Toutefois, la manœuvre reste opérateur-dépendant. La décision doit être prise par le clinicien sur la base du portrait de phase PPC-Vm, confirmée par différentes variables telles que l'IP ou le déphasage instantané entre la PPC et la Vm. Prendre en considération les différences de réponse du patient lors d'une montée ou d'une baisse de PPC permet également d'affiner la limite du plateau d'autorégulation. |
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1 | 1 | \section{Épidémiologie} |
2 | 2 | \subsection{Traumatisme crânien} |
3 | -Le terme traumatisme crânien (TC) regroupe une grande diversité d'atteintes cérébrales, touchant entre 64 et 74 millions d'individus dans le monde chaque année. Sa mortalité au niveau mondial est évaluée à 42\% pour les hommes et 29\% pour les femmes~\cite{ahmed2024epidemiology}. Le taux d'incidence est plus élevé dans les pays développés, particulièrement en Amérique du Nord (1299 cas pour 100~000 habitants), bien que l'Asie de l'Est et du Sud-Est représentent près de la moitié des cas de TC recensés chaque année~\cite{dewan2018estimating}. L'épidémiologie varie grandement selon les régions du monde : dans les pays développés, le ratio homme-femme est d'environ $2{:}1$. La distribution des âges est bimodale, avec un premier pic entre 16 et 35 ans, et le second après 70 ans~\cite{ahmed2024epidemiology}. En Inde, l'âge médian est de 32 ans, et le ratio homme-femme de $4{:}1$~\cite{karthigeyan2021head}. Classiquement, les TCs sont répartis en trois niveaux de gravité : léger, modéré, sévère (\textit{mild, moderate, severe}), les plus légers représentant 81\% des cas à l'échelle mondiale~\cite{dewan2018estimating}. Cette classification repose sur la durée et la gravité des atteintes neurologiques, ainsi que sur des critères d'imagerie cérébrale (voir table~\ref{tab:tbi})~\cite{silverberg2020management}. En particulier, l'état de conscience est évalué de 1 à 15 sur l'échelle de coma de Glasgow (\textit{Glasgow Coma Scale}, GCS). Un TC sévère correspond à un GCS de 8 ou moins, un TC léger à un GCS de 13 ou plus. La classification des TCs en trois niveaux de gravité est toutefois appelée à être révisée pour davantage de précision, la diversité des lésions cérébrales et des atteintes neurologiques ne pouvant être réduite à cette simple échelle~\cite{tenovuo2021assessing}. | |
3 | +Le terme traumatisme crânien (TC) regroupe une grande diversité d'atteintes cérébrales, touchant entre 64 et 74 millions d'individus dans le monde chaque année. Sa mortalité au niveau mondial est évaluée à 42\% pour les hommes et 29\% pour les femmes~\cite{ahmed2024epidemiology}. Le taux d'incidence est plus élevé dans les pays développés, particulièrement en Amérique du Nord (1299 cas pour 100~000 habitants), bien que l'Asie de l'Est et du Sud-Est représentent près de la moitié des cas de TC recensés chaque année~\cite{dewan2018estimating}. L'épidémiologie varie grandement selon les régions du monde : dans les pays développés, le ratio homme-femme est d'environ $2{:}1$. La distribution des âges est bimodale, avec un premier pic entre 16 et 35 ans, et le second après 70 ans~\cite{ahmed2024epidemiology}. En Inde, l'âge médian est de 32 ans, et le ratio homme-femme de $4{:}1$~\cite{karthigeyan2021head}. Classiquement, les TCs sont répartis en trois niveaux de gravité : léger, modéré, sévère (\textit{mild, moderate, severe}), les plus légers représentant 81\% des cas à l'échelle mondiale~\cite{dewan2018estimating}. Cette classification repose sur la durée et la gravité des atteintes neurologiques, ainsi que sur des critères d'imagerie cérébrale (voir table~\ref{tab:tbi})~\cite{silverberg2020management}. En particulier, l'état de conscience est évalué de 3 à 15 sur l'échelle de coma de Glasgow (\textit{Glasgow Coma Scale}, GCS). Un TC sévère correspond à un GCS de 8 ou moins, un TC léger à un GCS de 13 ou plus. La classification des TCs en trois niveaux de gravité est toutefois appelée à être révisée pour davantage de précision, la diversité des lésions cérébrales et des atteintes neurologiques ne pouvant être réduite à cette simple échelle~\cite{tenovuo2021assessing}. | |
4 | 4 | |
5 | 5 | |
6 | 6 | \begin{table}[h!] |
... | ... | @@ -18,7 +18,7 @@ |
18 | 18 | \end{table} |
19 | 19 | |
20 | 20 | \subsection{Hémorragie subarachnoïdienne} |
21 | -L'hémorragie subarachnoïdienne (HSA) est un sous-type d'accident vasculaire cérébral (AVC), généralement d'origine traumatique~\cite{ragaglini2024epidemiology}, correspondant à une fuite de sang dans l'espace sous-arachnoïdien (voir figure~\ref{fig:hsa}). La mortalité est estimée à 25\% des cas~\cite{lv2024epidemiological}. En 2021, près de 800 000 cas ont été recensés dans le monde, soit une augmentation de 37\% par rapport à 1990. Contrairement aux TCs, le ratio homme-femme est légèrement inférieur à $1{:}1$~\cite{lv2024epidemiological}. Les HSA causées par une rupture d'anévrisme sont 10 fois plus fréquentes en Asie que dans le reste du monde~\cite{sanicola2023pathophysiology}. En 2021, la tranche d'âge de 49 à 54 ans était associée au taux d'incidence le plus élevé~\cite{lv2024epidemiological}. La survenue d'une HSA provoque une baisse brutale du débit sanguin cérébral (DSC) potentiellement suivie d'épisodes d'hypertension intracrânienne (HTIC), et peut causer de lourds handicaps dès la première heure suivant l'hémorragie~\cite{d2015aneurysmal}. | |
21 | +L'hémorragie subarachnoïdienne (HSA) est un sous-type d'accident vasculaire cérébral (AVC), généralement d'origine traumatique~\cite{ragaglini2024epidemiology}, correspondant à une fuite de sang dans l'espace sous-arachnoïdien (voir figure~\ref{fig:hsa}). La mortalité est estimée à 25\% des cas~\cite{lv2024epidemiological}. En 2021, près de 800 000 cas ont été recensés dans le monde, soit une augmentation de 37\% par rapport à 1990. Contrairement aux TCs, le ratio homme-femme est légèrement inférieur à $1{:}1$~\cite{lv2024epidemiological}. Les HSA causées par une rupture d'anévrisme sont 10 fois plus fréquentes en Asie que dans le reste du monde~\cite{sanicola2023pathophysiology}. En 2021, la tranche d'âge de 49 à 54 ans était associée au taux d'incidence le plus élevé~\cite{lv2024epidemiological}. La survenue d'une HSA provoque une baisse brutale du débit sanguin cérébral (DSC) comptemporaine d'un épisode d'hypertension intracrânienne (HTIC), et peut causer de lourds handicaps dès la phase initiale de l'hémorragie~\cite{d2015aneurysmal}. En effet, l'issue brutale de sang artériel dans l'enceinte cérébro-méningée entraîne une augmentation de la PIC, pouvant elle-même provoquer un arrêt circulatoire cérébral dans les cas les plus graves. Cet arrêt circulatoire permet de stopper l'hémorragie mais peut également causer une ischémie cérébrale, les conséquences de celle-ci pouvant aller jusqu'à la nécrose. | |
22 | 22 | |
23 | 23 | \begin{figure}[h!] |
24 | 24 | \centering |
25 | 25 | |
... | ... | @@ -62,10 +62,10 @@ |
62 | 62 | Historiquement, les oscillations infra-respiratoires sont réparties en trois grands types d'ondes -A, B et C- tels que définis par Lundberg dans les années 1960~\cite{lundberg1965continuous}, sur la base de critères d'amplitude et de fréquence. Les paragraphes suivants sont structurés selon cette typlogie historique pour en souligner la prégnance dans la communauté scientifique, tout en gardant à l'esprit que les recherches actuelles appellent à en préciser certains aspects, notamment pour mieux prendre en compte la diversité des mécanismes physiologiques sous-jacents. |
63 | 63 | |
64 | 64 | \subsubsection{Ondes A} |
65 | -Encore nommées ondes de plateau (\textit{plateau waves}), Lundberg les décrit comme une élévation de la PIC de 50 à 100 mmHg pour une durée de 5 à 20 minutes (voir figure~\ref{fig:waves} A). Ces ondes de plateaux apparaissent chez près de 25\% des patients atteints de traumatisme crânien~\cite{castellani2009plateau}. Le mécanisme classiquement présenté comme à l'origine des ondes de plateau implique un dysfonctionnement du système nerveux parasympathique. L'augmentation brutale de la PIC est ainsi due à une cascade de vasodilations provoquée par le réflexe de Cushing, c'est-à-dire une augmentation du débit sanguin cérébral (DSC) en réponse à une augmentation de la PIC~\cite{rosner1984origin}. La durée des ondes de plateau, en particulier lorsqu'elles excèdent une demi-heure, est un facteur de mauvais pronostic pour les patients cérébrolésés \cite{castellani2009plateau}. | |
65 | +Encore nommées ondes de plateau (\textit{plateau waves}), Lundberg les décrit comme une élévation de la PIC de 50 à 100 mmHg pour une durée de 5 à 20 minutes (voir figure~\ref{fig:waves} A). Ces ondes de plateaux apparaissent chez près de 25\% des patients atteints de traumatisme crânien~\cite{castellani2009plateau}. Le mécanisme classiquement présenté comme à l'origine des ondes de plateau implique un dysfonctionnement du système nerveux parasympathique. L'augmentation brutale de la PIC est ainsi due à une cascade de vasodilations provoquée par le réflexe de Cushing, mécanisme de préservation de la PPC consistant en une augmentation la PAM en réponse à une augmentation de la PIC~\cite{rosner1984origin}. La durée des ondes de plateau, en particulier lorsqu'elles excèdent une demi-heure, est un facteur de mauvais pronostic pour les patients cérébrolésés \cite{castellani2009plateau}. | |
66 | 66 | |
67 | 67 | \subsubsection{Ondes B} |
68 | -Cette catégorie d'oscillations est probablement la plus étudiée dans la littérature. Historiquement, Lundberg les décrit comme des oscillations d'amplitude inférieure à 50 mmHg, apparaissant toute les minutes environ pour une durée de 30 à 120 secondes (voir figure~\ref{fig:waves} B et C). Toutefois, les auteurs étudiant les ondes B (ou ondes lentes, \textit{slow waves}) élargissent généralement leurs investigations à une bande de fréquence plus étendue que celle proposée par Lundberg~\cite{martinez2019b}. Entre 1990 et 2024, au moins quatre sous-classifications ont été proposées pour mieux tenir en compte de leur diversité morphologique~\cite{raftopoulos1992morphological, santamarta2016prediction, yokota1989overnight, kasprowicz2012association}. Ces classifications reposent sur l'amplitude, la symétrie et la présence de plateaux au cours des oscillations. L'interprétation clinique des ondes B n'est pas aisée du fait de leur diversité et des nombreuses classifications proposées. Toutefois, leur présence est particulièrement observée en phase de sommeil paradoxal~\cite{spiegelberg2016b}, y compris chez des patients non-cérébrolésés~\cite{riedel2021b}. De manière cohérente, un lien a été établi entre ondes B et apnée du sommeil~\cite{riedel2023transient}, alors que leur amplitude est diminuée en situation d'hypocapnie (faible taux de CO$_{2}$ dans le sang)~\cite{beqiri2020influence}. De plus, le lien entre fluctuations du débit sanguin cérébral (DSC) et apparition d'ondes B a été identifié dès les années 1980~\cite{mautner1989b}. En 2022, une étude démontre le lien entre ondes B, oscillations du DSC et les ondes theta (4-7Hz) du signal EEG. Ainsi, les ondes B pourraient être le reflet d'une activité noradrénergique du tronc cérébral facilitant l'évacuation de déchets métaboliques par le système glymphatique~\cite{newell2022physiological}. Du fait du manque de consensus quant à leur définition, leur détection est généralement faite manuellement faute d'un algorithme de référence. En 2019, une méta-analyse regroupant 124 études rapporte que seuls 32\% d'entre elles spécifient une méthode de détection~\cite{martinez2019b}, généralement par analyse de Fourier (40\%). | |
68 | +Cette catégorie d'oscillations est probablement la plus étudiée dans la littérature. Historiquement, Lundberg les décrit comme des oscillations d'amplitude inférieure à 50 mmHg, apparaissant toutes les minutes environ pour une durée de 30 à 120 secondes (voir figure~\ref{fig:waves} B et C). Toutefois, les auteurs étudiant les ondes B (ou ondes lentes, \textit{slow waves}) élargissent généralement leurs investigations à une bande de fréquence plus étendue que celle proposée par Lundberg~\cite{martinez2019b}. Entre 1990 et 2024, au moins quatre sous-classifications ont été proposées pour mieux tenir en compte de leur diversité morphologique~\cite{raftopoulos1992morphological, santamarta2016prediction, yokota1989overnight, kasprowicz2012association}. Ces classifications reposent sur l'amplitude, la symétrie et la présence de plateaux au cours des oscillations. L'interprétation clinique des ondes B n'est pas aisée du fait de leur diversité et des nombreuses classifications proposées. Toutefois, leur présence est particulièrement observée en phase de sommeil paradoxal~\cite{spiegelberg2016b}, y compris chez des patients non-cérébrolésés~\cite{riedel2021b}. Un lien a été établi entre ondes B et apnée du sommeil~\cite{riedel2023transient}, alors que leur amplitude est diminuée en situation d'hypocapnie (faible taux de CO$_{2}$ dans le sang)~\cite{beqiri2020influence}. De plus, le lien entre fluctuations du débit sanguin cérébral (DSC) et l'apparition d'ondes B a été identifié dès les années 1980~\cite{mautner1989b}. En 2022, une étude démontre le lien entre ondes B, oscillations du DSC et les ondes theta (4-7Hz) du signal EEG. Ainsi, les ondes B pourraient être le reflet d'une activité noradrénergique du tronc cérébral facilitant l'évacuation de déchets métaboliques par le système glymphatique~\cite{newell2022physiological}. Du fait du manque de consensus quant à leur définition, leur détection est généralement faite manuellement faute d'un algorithme de référence. En 2019, une méta-analyse regroupant 124 études rapporte que seuls 32\% d'entre elles spécifient une méthode de détection~\cite{martinez2019b}, généralement par analyse de Fourier (40\%). | |
69 | 69 | |
70 | 70 | \subsubsection{Ondes C} |
71 | 71 | Les ondes C ont fait l'objet d'une littérature très limitée entre les années 1960 et 2024. Lundberg les décrit comme des oscillations d'amplitude inférieure à 20 mmHg apparaissant quatre à huit fois par minute (voir figure~\ref{fig:waves} D). Ces oscillations sont synchronisées avec les ondes de Mayer observables sur le signal de pression artérielle~\cite{cucciolini2023intracranial}. Ces dernières, également peu étudiées, sont engendrées par une activité sympathique du système nerveux périphérique~\cite{julien2006enigma}. |
... | ... | @@ -92,7 +92,14 @@ |
92 | 92 | |
93 | 93 | \section{Intégration de la pression intracrânienne à un monitorage multimodal} |
94 | 94 | \subsection{Pression intracrânienne et pression artérielle} |
95 | - En unité de soins intensifs, l'évolution conjointe de la pression artérielle (PA) et de la PIC est particulièrement surveillée, dans la mesure où celle-ci gouverne l'irrigation des tissus cérébraux. La pression de perfusion cérébrale (PPC) correspond au gradient de pression à travers l'arbre vasculaire cérébral. Celle-ci est classiquement estimée par la relation $PPC = PA - PIC$, en négligeant la pression veineuse en sortie des organes. Le calcul de la PPC doit prendre en compte la position du capteur de pression artériel, situé au niveau du cœur ou du tragus de l'oreille selon les pratiques cliniques. La seconde solution permet une estimation plus précise de la PPC en ignorant le poids du continuum hydrique s'étendant du coeur au cerveau~\cite{kartal2024define}. Si une PPC comprise entre 60 et 70 mmHg est classiquement recommandée pour le traitement du traumatisme crânien~\cite{carney2017guidelines}, la nécessité de définir une valeur cible propre à chaque patient est largement évoquée dans la littérature scientifique~\cite{vu2024monitoring}. Le calcul d'une PPC optimale doit alors prendre en compte les capacité d'autorégulation cérébrale du patient, c'est-à-dire sa capacité à maintenir une certaine constance du DSC par des mécanismes de vasoconstriction (voir section~\ref{autoregulation}). | |
95 | + En unité de soins intensifs, l'évolution conjointe de la pression artérielle (PA) et de la PIC est particulièrement surveillée, dans la mesure où celle-ci gouverne l'irrigation des tissus cérébraux. La pression de perfusion cérébrale (PPC) correspond au gradient de pression à travers l'arbre vasculaire cérébral. Celle-ci est classiquement estimée par la relation $PPC = PA - PIC$, lorsque la PIC est supérieure à la pression veineuse. De plus, dans ces conditions, la relation entre PIC et pression veineuse mesurée au niveau des sinus veineux est décrite par l'équation de Davson~\cite{lalou2018validation}: | |
96 | + \begin{equation} | |
97 | + PIC = R_{out} \cdot I_{f} + P_{SS} | |
98 | + \end{equation} | |
99 | + | |
100 | + où $R_{out}$ désigne la résistance à l'écoulement du LCS en en mmHg/(mL/min), $I_{f}$ le taux de sécretion de LCS en mL/min, et $P_{SS}$ la pression au sein des sinus veineux en mmHg. | |
101 | + | |
102 | +Le calcul de la PPC doit prendre en compte la position du capteur de pression artériel, situé au niveau du cœur ou du tragus de l'oreille selon les pratiques cliniques. La seconde solution permet une estimation plus précise de la PPC en ignorant le poids du continuum hydrique s'étendant du coeur au cerveau~\cite{kartal2024define}. Si une PPC comprise entre 60 et 70 mmHg est classiquement recommandée pour le traitement du traumatisme crânien~\cite{carney2017guidelines}, la nécessité de définir une valeur cible propre à chaque patient est largement évoquée dans la littérature scientifique~\cite{vu2024monitoring}. Le calcul d'une PPC optimale doit alors prendre en compte les capacité d'autorégulation cérébrale du patient, c'est-à-dire sa capacité à maintenir une certaine constance du DSC par des mécanismes de vasoconstriction (voir section~\ref{autoregulation}). | |
96 | 103 | |
97 | 104 | \subsection{Pression intracrânienne et flux sanguin cérébral} |
98 | 105 | L'ultrasonographie transcrânienne repose sur l'effet Doppler pour mesurer non-invasivement la vitesse d'écoulement du sang dans une artère cérébrale. Développé dans les années 1980, le Doppler transcrânien (DTC) estime la vitesse du flux sanguin cérébral (VSC) à partir de la relation |