HTS.tex
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Ce chapitre constitue une ré-analyse de l'étude rétrospective menée par Dias \textit{et al.}~\cite{dias2014post} portant sur l'injection solution saline hypertonique (SSH) pour le traitement de l'hypertension intracrânienne (HTIC) de patients atteints de traumatisme crânien (TC). L'objectif est d'approfondir les recherches effectuées en se concentrant sur les changements dans la morphologie du signal de PIC, et ainsi d'étudier les effets de l'injection de SSH sur la compliance cérébrale du patient.
\section{Introduction}
Les thérapies à base de solutions hyper-osmolaires font partie des solutions cliniques de routine pour le traitement d'hypertension intracrânienne. Les solutions utilisées contiennent généralement du mannitol ou du NaCl en concentration variable, de 1.8\% à 23.4\%~\cite{khasiyev2024safety}. Si ce dernier traitement ne comporte que peu de risques et permet effectivement une baisse passagère de la PIC~\cite{khasiyev2024safety}, aucune association n'a pu être établie avec le devenir neurologique à long terme des patients traités~\cite{bernhardt2024hypertonic}. Les mécanismes d'actions sont pas complètement identifiés, et ne peuvent être résumés au drainage osmotique du liquide interstitiel cérébral dans la circulation sanguine. L'injection de SSH provoque également une augmentation de volume sanguin induisant un déplacement d'eau de l'intérieur vers l'extérieur de la membrane des globules rouges. Le débit sanguin est alors augmenté par la conjonction de trois effets : hémodilution, augmentation du diamètre de la lumière endothéliale et diminution du diamètre des globules rouges~\cite{park2024should}. Les mécanismes d'autorégulation cérébrale sont alors mis en jeu et causent une vasoconstriction réflexe, menant finalement à une baisse du volume sanguin cérébral et donc de la PIC~\cite{vialet2003isovolume}. Ces effets ne sont cependant par immédiats ; il faut compter 20 à 30 minutes après l'injection de SSH avant la formation du gradient osmotique~\cite{park2024should}. Cette modification induite du volume sanguin cérébral constitue donc un contexte utile à l'étude de la compliance cérébrale des patients traités par injection de SSH. L'objectif de la ré-analyse est d'étudier les changements dans la morphologie de la composante cardiaque du signal de PIC lors de l'augmentation des réserves de compliance cérébrale induite par l'injection de SSH. En d'autres termes, la diminution du volume cérébral induite par l'injection de SSH est utilisée comme une épreuve pour identifier les aspects de la compliance cérébrale captés par la morphologie de la composante cardiaque du signal de PIC.
\section{Matériel et méthodes}
\subsection{Collecte des données}
Les enregistrements de PIC de dix patients adultes atteints de TC, admis en unité de soins intensifs à l'hôpital de São Jão (Porto, Portugal), ont été ré-analysés. Comme décrit dans la publication originale~\cite{dias2014post}, les patients inclus dans l'étude souffraient d'un TC associé à un \textit{Glasgow Coma Scale} $<$ 8 à l'admission en unité de neuro-réanimation. Tout au long du traitement, les patients étaient maintenus en position semi-assise avec une élévation de la tête de 30°. Le niveau de PPC visé était, dans la mesure du possible, défini en cherchant à minimiser le PRx, et maintenu $>$ 60 mmHg sinon. La PIC était monitorée au moyen d'un capteur intraparenchymateux (Codman) à une fréquence d'échantillonnage de 200 Hz. Des épisodes d'HTIC refractaires (PIC $>$ 20 mmHg non diminuée par les traitements de première intention visant le pH sanguin, la ventilation, la PA et la température systémique) ont été observés pour 10 des patients inclus. Ils ont été traités par l'injection d'un bolus de solution saline concentrée à 20\%, administré à raison de 0.5 mL/kg durant 30 min. Au total, les monitorages de 89 bolus répartis sur les 10 patients (minimum: 1, maximum: 29, médiane: 5.5) ont pu être ré-analysés. Les données démographiques des patients sont présentées dans la table~\ref{hts-tab:demo}. En plus de la PIC elle-même, quatre indicateurs de la forme des pulsations cardiaques sont étudiés ici : l'amplitude des pulsations de PIC (AMP), le ratio P2/P1, le \textit{pulse shape index} (PSI) et le \textit{time-to-peak} (TTP), correspondant au temps en ms entre le début et le maximum d'une pulsation de PIC.
\begin{table}
\centering
\resizebox{\columnwidth}{!}{%
\begin{tabular}{|c|c|}\hline
Caractéristique& \textit{n} ou médiane (min - max; écart interquartile)\\
\hline
\textit{n}& 10\\
Age (années)& 40 (20 - 64, 9.5)\\
Sexe (masculin)& 9\\
\textit{Glasgow Coma Score} d'entrée& 5.5 (3 -12, 3.75)\\
SAPS II& 43 (32 - 57, 12.75)\\
Classification de Marshall du 1\textsuperscript{er} CT-scanT& II: 3, III: 2, IV: 2, V: 1, VI: 2\\
Injections de SSH&5.5 (1 - 29, 7)\\ \hline
\end{tabular}
}
\caption{Données démographiques des patients inclus}
\label{hts-tab:demo}
\end{table}
\subsection{Modèles
statistiques}
La PIC ainsi que les différents descripteurs morphologiques sont moyennés par sections d'un quart d'heure et calculés sur une durée de 5h (1h avant le bolus de SSH et 4h après). Par la suite, on note $t_{0}$ la date du début d'injection.
De $t_{0}$ à $t{2h}$, les évolutions de la PIC et des quatre descripteurs sont modélisées par des modèles mixtes quadratiques. La variable temps est centrée avant l'élévation au carré de façon à limiter les effets de colinéarité. Les effets aléatoires sont hiérarchisés sur deux niveaux, de façon à considérer l'effet bolus et l'effet patient.
La formule générale du modèle est la suivante :
\begin{equation}
Y_{pb} = \beta_{0pb} + \beta_{1pb}X_{pb} + \beta_{2pb}X_{pb}^{2}+ \epsilon_{pb}
\end{equation}
où $X_{pb}$ désigne le temps écoulé entre le début du bolus $b$ attribué au patient $p$, $Y_{pb}$ la variable suivie pour ce bolus (par exemple la PIC), et $\epsilon_{pb}$ l'erreur aléatoire gaussienne spécifique au bolus. Les coefficients $\beta_{kpb}, k \in (0, 1, 2)$ peuvent être décomposés de la façon suivante :
\begin{equation}
\beta_{kpb} = \gamma_{k} + \nu_{kp} + \upsilon_{kbp}
\end{equation}
où la notation $\gamma_k$ désigne la part d'effets fixes du coefficient apparent $\beta_{k}$, $\nu_{kp}$ les effets aléatoires spécifiques au patient $p$ et $\upsilon_{kpb}$ les effets aléatoires spécifiques au bolus $b$ attribué au patient $p$.
La décision de conserver un effet fixe dans le modèle est prise sur la base d'un \textit{t}-test de non-nullité. Les effets aléatoires sont sélectionnés selon la procédure suivante :
\begin{enumerate}
\item Un premier modèle de référence est entraîné en incluant tous les effets aléatoires possibles.
\item Un second modèle est entraîné en retirant un effet aléatoire, en commençant par le niveau le plus bas (bolus). Ses performances sont comparées à celles du premier modèle sur la base d'un test de ratio de vraisemblance (\textit{likelihood ratio test}). Si le second modèle n'est pas significativement moins prédictif que le modèle de référence (\textit{p-value} $<$ 0.05), celui-ci devient le modèle de référence.
\item L'étape n°2 est répétée jusqu'à ce qu'il ne soit plus possible de retirer d'effet aléatoire sans dégrader les performances du modèle de référence.
\end{enumerate}
Néanmoins, afin simplifier l'interprétation des modèles choisis, pour les modèles incluant le carré du temps comme variable explicative (en effet fixe ou en effet aléatoire), le coefficient correspondant au temps est systématiquement pris en compte dans dans le modèle, quels que soient les résultats des tests statistiques. En d'autres termes, le carré du temps n'est jamais inclus dans les modèles sélectionnés sans que ceux-ci ne contiennent également le temps lui-même.
\section{Résultats}
\subsection{Visualisation des modifications induites par l'injection de SSH}
Un exemple d'injection de SSH est présenté figure~\ref{fig:HTS-exemple}. Les différents descripteurs du signal de PIC tendent vers des valeurs moins pathologiques une fois la mise en place du gradient osmotique effectuée. Les sections rectilignes dans le monitorage du PSI s'expliquent par le fait que cet indice de morphologie est une moyenne de valeurs discrètes attribuées à chaque pulsation individuellement. Ainsi, celui-ci peut rester constant sur des plages de temps longues si toutes les pulsations sont attribuées à la même classe. Sur cet exemple en particulier, on remarque qu'à 1h30 environ, le ratio P2/P1 passe momentanément en-dessous de 1. Cette baisse coïncide avec une chute brutale du PSI (la classe n°1 étant constituée de pulsations pour lesquelles P1 est supérieure à P2) et du TTP (le temps d'arrivée du maximum de la pulsation se situant alors sur P1 et non plus P2).
\begin{figure}[h!]
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\includegraphics[width=1\linewidth]{HTS/exemple.jpg}
\caption{Exemple d'évolution du signal de PIC après injection de SSH. Le début de l'injection est effectué à \textit{t} = 0.}
\label{fig:HTS-exemple}
\end{figure}
L'évolution des différents descripteurs du signal de PIC est présentée figure~\ref{fig:HTS-boxplots}. Les effets fixes des modèles retenus sont tracés sur les deux heures suivant l'injection de SSH. Sur cette plage de temps, la PIC décrit une baisse d'environ 11 mmHg et l'amplitude une baisse d'environ 4 mmHg. Les indicateurs morphologiques tendent également vers des valeurs davantage physiologiques, avec une baisse d'environ 0.2 pour le ratio P2/P1 et le PSI, et de 30 ms pour le TTP. Il est notable que dans l'heure précédent l'injection, où la PIC tend à augmenter fortement en franchissant le seuil d'HTIC, le ratio P2/P1 est déjà tendanciellement élevé (environ 1.5 en moyenne).
\begin{figure}[h!]
\centering
\includegraphics[width=1\linewidth]{HTS/boxplots.png}
\caption{Évolution des différents descripteurs du signal de PIC au cours du temps. Le début de l'injection est effectué à \textit{t }= 0. PIC --- Pression intracrânienne, Amplitude --- Amplitude de la composante cardiaque du signal de PIC, Ratio --- Ratio P2/P1, PSI --- \textit{Pulse shape index}, Time-to-peak --- Temps d'arrivée du maximum de PIC au cours d'un cycle cardiaque.}
\label{fig:HTS-boxplots}
\end{figure}
\subsection{Modélisation mixte quadratique}
\begin{table}[h!]
\centering
\resizebox{\columnwidth}{!}{%
\begin{tabular}{|c||ccc|ccc|ccc|}\hline
& \multicolumn{3}{c|}{effets fixes}& \multicolumn{3}{c}{aléatoire --- individu}& \multicolumn{3}{|c|}{aléatoire --- bolus}\\\hline
& intercept& temps& temps²& intercept& temps& temps²& intercept& temps& temps²\\
\hline
PIC (mmHg)& 17.28& -0.80& 0.42& -& 0.26& 0.22& 7.48& 1.38& 0.38\\
Amplitude (mmHg)& 7.5& -0.28& 0.15& 2.04& 0.14& 0.08& 4.16& 0.59& 0.16\\
PSI& 2.64& -0.0032& 0.0012& 0.75& -& -& 0.56& 0.058& 0.031\\
time-to-peak (sec)& 0.22& -0.0010& 0.0018& 0.090& 0.0066& 0.00055& 0.064& 0.0088&0.0036\\
P2/P1& 1.38& -0.012& 0.016& 0.49& -& -& 0.32& 0.058&0.021\\
\hline
\end{tabular}
}
\caption{Modèles mixtes quadratiques retenus. Les effets fixes sont décrits par les coefficients correspondants, les effets aléatoires par les écarts types associés. Les coefficients notés "-" ont été considérés comme nuls dans le modèle.}
\label{hts-tab:coefs}
\end{table}
Les coefficients des modèles retenus sont présentés dans le tableau~\ref{hts-tab:coefs}. Au niveau des effets fixes, l'évolution de chacun des descripteurs peut être décrite par une trajectoire quadratique, tous les coefficients étant significativement non-nuls au sens du $t$-test. Parmi les indicateurs morphologiques, les effets de l'injection de SSH sont en moyenne davantage marqués pour le ratio P2/P1 que pour le PSI et le TTP, en regardant le rapport entre les valeurs absolues des coefficients fixes et celle de l'intercept.
\par Concernant les effets aléatoires, leur structure hiérarchique en deux niveaux permet de quantifier l'influence du patient sur la réponse au bolus en regardant les écarts types des coefficients liés au temps et à son carré. Ainsi, pour la réponse en PIC et en amplitude, l'effet individuel est peu marqué : les écarts types des effets aléatoires sont de respectivement 0.26 et 0.22 pour le temps et son carré au niveau individu, contre 1.38 et 0.38 au niveau bolus. Il n'est donc pas possible d'identifier des patients intrinsèquement plus sensibles que d'autres aux injections de SSH. Le même raisonnement peut être tenu pour les indicateurs morphologiques, les modèles du PSI et du P2/P1 n'incluant d'ailleurs pas d'effet aléatoire sur la réponse au niveau patient.
\par En revanche, une dichotomie s'observe sur les variations de ligne de base, captées par les effets aléatoires sur les intercepts. Dans le cas de la PIC, le niveau "individu" ne contient pas d'effet aléatoire sur l'intercept, tandis que celui-ci est petit devant le niveau "bolus" dans le cas de l'amplitude (2.04 contre 4.16 mmHg). Ainsi, des valeurs de PIC et d'amplitudes très différentes peuvent être observés sur les mêmes individus à différents pas de temps, sans qu'une véritable tendance puisse être identifiée pour un individu donné. Au contraire, dans les cas des indicateurs morphologiques (P2/P1, PSI, TTP), l'écart type des effets aléatoires est plus prononcé au niveau de l'individu qu'au niveau du bolus (par exemple, 0.49 contre 0.32 pour le ratio P2/P1). Ainsi, la morphologie des pulsations de PIC tend davantage vers une plage de valeurs propre à chaque patient que le niveau de PIC lui-même.
\subsection{Réponses à l'injection de SSH}
Les trajectoires quadratiques des différents indicateurs modélisées pour chaque bolus sont utilisées pour quantifier les réponses à l'injection de SSH. On note $t_{min, x}$ le temps d'arrivée au minimum d'un descripteur $x$. Selon les cas, un $t_{min}$ n'est pas systématiquement identifiable (coefficient quadratique négatif par exemple). Ces proportions sont reportées dans la table~\ref{hts-tab:kept}. Probablement du fait de sa nature discrète, le PSI propose le moins de trajectoires exploitables avec seulement 64 minima locaux identifiés suite aux 89 injections.
\begin{table}[h!]
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\resizebox{\columnwidth}{!}{%
\begin{tabular}{|c|c|c|c|}
\hline
Descripteur& Minima identifié& Pourcentage &Baisse moyenne (écart type)\\
\hline
PIC (mmHg)& 83& 93.25 \% &13.63 (9.41)\\
AMP (mmHg)& 83& 93.25 \% &5.00 (4.17)\\
PSI& 64& 71.89 \% &0.37 (0.45)\\
Time-to-peak (sec)& 69& 77.52\% &0.054 (0.061)\\
P2/P1& 75& 84.27\% &0.41 (0.35)\\
\hline
\end{tabular}
}
\caption{Proportions des minima locaux identifiés sur les différentes variables.}
\label{hts-tab:kept}
\end{table}
Pour chaque bolus, la différence entre les $t_{min}$ des différents indicateurs et $t_{min, PIC}$ est calculée. Ces différences sont modélisées par un modèle mixte d'intercept aléatoire avec un effet aléatoire sur les patients. Les effets fixes sont reportés dans la table~\ref{hts-tab:delay}. Aucune différence significative ne peut être mise en évidence entre le temps d'arrivée du minimum de PIC et le temps d'arrivée du minimum des différents indicateurs, suggérant une cinétique commune dans leur décroissance au cours du temps.
\begin{table}[h!]
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\begin{tabular}{|c|c|c|}
\hline
Différence& Effet fixe& \textit{p}-value\\
\hline
Amplitude - PIC& -1.37& 0.40\\
PSI - PIC& 3.08& 0.25\\
TTP - PIC& 3.8& 0.67\\
P2/P1 - PIC& 0.5& 0.81\\
\hline
\end{tabular}
\caption{Différence entre le temps d'arrivée du minimum de PIC et des différents indicateurs de compliance cérébrale. PSI --- \textit{Pulse shape index}, TTP --- \textit{Time-to-peak}}
\label{hts-tab:delay}
\end{table}
La baisse de la PIC ainsi que des différents indicateurs peut également être étudiée en calculant pour chaque variable la différence observée entre les valeurs observées à $t_{0}$ et $t_{min}$. La figure~\ref{fig:HTS-exemple} présente l'exemple des états initiaux et des baisses observées pour la PIC et le ratio P2/P1.
\begin{figure}[h!]
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\includegraphics[width=1\linewidth]{HTS/ir.png}
\caption{Réponse de la PIC moyenne et du ratio P2/P1 à l'injection de SSH, en fonction des niveaux de PIC et des ratios P2/P1 initiaux.}
\label{fig:HTS-exemple}
\end{figure}
Par inspection visuelle, la relation existant entre les valeurs initiales et minimales de PIC et de ratio P2/P1 dépend grandement des individus concernés. La matrice de corrélation incluant chaque paire d'indicateurs est présentée figure~\ref{fig:HTS-corr}. Lors du calcul des différentes corrélations, l'influence des différences inter-patients est corrigée en utilisant la méthode des corrélations de mesures répétées (\textit{repeated measures correlation}, rmcorr). Celle-ci consiste à utiliser un modèle d'ANCOVA~\cite{bakdash2017repeated} pour estimer un coefficient de corrélation moyen parmi les différents patients.
Les baisses de PIC, d'amplitude et de ratio P2/P1 sont sensiblement proportionnelles à leurs niveaux initiaux respectifs, affichant des corrélations de 0.83, 0.9 et 0.79, comme décrit graphiquement sur la figure~\ref{fig:HTS-exemple}. L'amplitude et la PIC suivent des trajectoires très similaires, avec des corrélations très élevées ($>0.8$) entre leurs niveaux initiaux et leurs baisses respectives. Une séparation s'observe entre les descripteurs purement morphologiques (PSI, P2/P1, TTP) et les valeurs en mmHg (PIC, amplitude) au niveau des lignes de base. Il convient de mentionner que la PIC initiale est un relativement bon prédicteur des changements de morphologie observés sur le PSI, le ratio P2/P1 et le TTP (les corrélations respectives sont de 0.54, 0.37 et 0.19), tandis que la morphologie initiale du signal de PIC est un indicateur beaucoup moins fiable de la baisse de la PIC (les corrélations respectives sont de 0.14, 0.21 et - 0.04). Le même raisonnement peut être tenu en considérant l'amplitude au lieu de la PIC moyenne.
\begin{figure}[h!]
\centering
\includegraphics[width=1\linewidth]{HTS/correlation.png}
\caption{Matrice de corrélation entre les réponses des différents indicateurs à l'injection de HTS, en fonction des niveaux initiaux observés. Les corrélations sont calculées en corrigeant les effets individuels.}
\label{fig:HTS-corr}
\end{figure}
\section{Discussion}
L'étude initiale avait pu mettre en évidence différents effets de l'injection de SSH : baisse de la PIC (moyenne = 6,2 mmHg), augmentation de la PPC (moyenne = 3,1 mmHg), augmentation du débit sanguin cérébral (moyenne = 7,8 mL/min/100g). De plus, des effets bénéfiques sur l'autorégulation avaient été observés sur des indices de corrélation tels que le PRx. Concernant la compliance cérébrale, des modifications de ratio P2/P1 et d'amplitude avaient été mentionnés, sans pour autant faire l'object d'études quantitatives. Pour compléter l'étude morphologique du signal de PIC, deux indicateurs ont été ajoutés : le PSI et le TTP.
\subsection{Signification clinique de la morphologie du signal de PIC}
\par Le signal de PIC ainsi que des quatre indicateurs morphologiques suivent une trajectoire quadratique au cours des deux heures suivant le début de l'injection de SSH. La baisse de la PIC est observable dès la première demi-heure, alors que le gradient osmotique est encore en train de s'établir et que la dose de SSH est encore incomplète. En plus de la baisse de la PIC, les quatre indicateurs morphologiques tendent également vers des valeurs plus physiologiques, avec des minima atteints entre une heure et une heure et quart. Cette première observation pourrait s'expliquer par la libération de réserves de compliance provoquée par l'injection de SSH, menant à une diminution du volume sanguin cérébral.
Pour les cinq séries temporelles, la variance des trajectoires observées est principalement captée par les effets aléatoires au niveau du bolus, suggérant une forte hétérogénéité intra-patient de la réponse à l'injection de SSH. En revanche, en regardant les effets aléatoires sur les intercepts, une séparation peut être effectuée entre la PIC et l'amplitude d'un côté, et le PSI, le TTP et le P2/P1 de l'autre. En effet, dans le premier groupe, la variance est surtout captée à l'échelle du bolus (le modèle de la PIC n'intégrant d'ailleurs pas d'intercept aléatoire au niveau ''patient''). En revanche, dans le second groupe, la variance des intercepts aléatoires est davantage captée à l'échelle de l'individu. Par exemple dans le cas du ratio P2/P1, l'écart type des intercepts aléatoires est de 0.49 au niveau individuel et de 0.32 au niveau bolus. Cela suggère qu’indépendamment du temps, le signal de PIC tend vers certaines morphologies propres à chaque patient. Une des hypothèses serait de considérer que la morphologie du signal de PIC, quantifiée par le ratio P2/P1, est largement influencée par certaines propriétés mécaniques de l'arbre vasculaire cérébral, et en particulier l'élastance des artères cérébrales~\cite{domogo2023mechanistic}. Au contraire, l'amplitude est principalement liée aux réserves de volume disponibles~\cite{kasprowicz2025impact}.
\par Cette interprétation peut être confirmée en s'appuyant sur la relation existant entre les niveaux initiaux des différents indicateurs et leurs baisses causées par le bolus de SSH. En particulier, l'injection provoque une baisse de PIC proportionnelle au niveau initial observé. En revanche, les effets individuels sont davantage marqués lorsque la modification de la morphologie est tracée en fonction de la PIC initiale (voir figure ~\ref{fig:HTS-exemple}). Ainsi, la morphologie du signal de PIC doit être interprétée en regard de ses deux déterminants : l'effet volume, expliquant que le ratio P2/P1 peut être utilisé comme marqueur d'HTIC~\cite{ballestero2023can}, et l'effet de propriétés mécanique des artères cérébrales propres à chaque patient. Ainsi, les niveaux initiaux de PIC (ou d'amplitude) sont des bons prédicteurs de l'ampleur des changements observés sur le PSI (corrélation = 0.54) ou le ratio P2/P1 (corrélation = 0.37) après injection de SSH (voir figure~\ref{fig:HTS-corr}), dans la mesure où le soulagement d'une forte HTIC libère des espaces de compliance et impacte donc la morphologie de la PIC en jouant sur son déterminant volumique. En revanche, les niveaux initiaux du PSI et du ratio P2/P1 ne sont que faiblement prédictifs de la baisse de la PIC observés, avec des corrélations respectives de 0.14 et 0.21. En effet, des valeurs élevées peuvent autant être dues à des réserves volumiques épuisées qu'à une forte élastance des artères cérébrales.
\subsection{Limites}
La principale limite de cette étude réside dans le faible nombre de patients (\textit{n}=10) et dans la forte hétérogénéité du nombre de bolus de SSH administrés. Les hypothèses posées dans la discussion sont limitées d'une part par la compréhension partielle des mécanismes d'action de l'injection de HTS, et d'une autre par l'impossibilité de suivre les changements volumiques au cours des deux heures d'analyse. Les résultats présentés ici doivent être validés sur une plus grande cohorte en séparant les déterminants volumiques et mécaniques de la morphologie du signal de PIC.
\subsection{Conclusion}
La diminution du volume cérébral induite par l'injection de SSH permet d'étudier les différents aspects de la compliance cérébrale captés par la morphologie du signal de PIC. Cette dernière est un faible prédicteur de la baisse de PIC causée par l'osmothérapie. Le PSI et le ratio P2/P1 intègrent une première composante liée aux propriétés mécaniques des parois vasculaires cérébrales, et une seconde liée au volume de réserve. En revanche, l'amplitude, dont la trajectoire suit largement celle de la PIC, intègre principalement la composante liée au volume de réserve.