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\section*{Introduction générale}
Cette thèse, réalisée dans le cadre d'une collaboration CIFRE entre la société Sophysa et le département DISC du laboratoire Femto-ST, vise à rendre compte des possibilités offertes par le monitorage continu de la pression intracrânienne (PIC) pour la prise en charge de patients en neuro-réanimation. Ainsi, deux pathologies sont plus particulièrement étudiées : le traumatisme crânien (TC) et l'hémorragie subarachnoïdienne (HSA). En pratique clinique, dans le cadre d'un monitorage multimodal, la mesure de la PIC vise quasi-exclusivement à prévenir les épisodes d'hypertension intracrânienne (HTIC), dont le seuil est classiquement fixé autour de 20 mmHg~\cite{carney2017guidelines}.Toutefois, comme le résume simplement la formule désormais consacrée, ''\textit{Intracranial pressure is more than a number}''\cite{czosnyka2007intracranial} : en d'autres termes, la morphologie du signal de PIC contient des informations sur l'état de santé du patient qui ne peuvent être retranscrites par une simple moyenne glissante. Ainsi, l'objectif de cette thèse consiste à étudier deux propriétés du système cérébrospinal à partir du signal de PIC et d'autres monitorages associés : 

\paragraph{La compliance cérébrale.} Ce terme désigne la relation pression-volume régnant au sein de la boîte crânienne. Autrement dit, cette propriété correspond à la capacité du système à encaisser des changements de volume au sein d'un espace semi-clos sans que la PIC ne monte de façon délétère pour le patient. En pratique clinique, l'information de la compliance cérébrale est utile pour identifier les patients à risque d'HTIC, ainsi que pour ajuster les niveaux de sédation à certains moments critiques, comme la levée du coma artificiel. Le lien entre compliance cérébrale et morphologie de la composante cardiaque du signal de PIC est bien identifié par le corps médical, mais cette dernière n'est quasiment jamais monitorée au lit du patient en raison des difficultés techniques posées par sa quantification~\cite{kazimierska2023analysis}.

\paragraph{L'autorégulation cérébrale.} Le débit sanguin cérébral (DSC) dépend du différentiel de pression entre l'aval et l'amont de l'arbre vasculaire cérébral, appelée pression de perfusion cérébrale (PPC). L'autorégulation cérébrale correspond à un mécanisme de protection ayant pour effet de maintenir constant le DSC, en compensant les variations spontanées de PPC par des phénomènes de vasoconstriction / vasodilatation. L'autorégulation cérébrale est particulièrement fonctionnelle lorsque la PPC est située dans une plage de valeurs appelée \textit{plateau d'autorégulation}. Les limites de ce plateau d'autorégulation sont propres à chaque patient, les valeurs de 60 et 70 mmHg étant toutefois indiquées dans les recommandations internationales~\cite{carney2017guidelines}. En pratique clinique, l'objectif est de maintenir la PPC dans cette plage de valeur plus ou moins personnalisée, garantissant ainsi l'irrigation des tissus cérébraux.\\
\par Classiquement, les indicateurs de compliance cérébrale comme d'autorégulation cérébrale sont associés à des seuils pathologiques définis rétrospectivement à partir du devenir de patients inclus dans de larges cohortes d'étude. Si cette approche permet de dégager de grandes tendances, de fournir des critères de décision clairs pour le praticien et de s'assurer de la robustesse des indicateurs choisis, certaines limites sont à mentionner. En premier lieu, les algorithmes thérapeutiques basés sur des seuils sont difficiles à personnaliser d'un patient à l'autre, et nécessitent un temps de monitorage long (plusieurs heures). Ceux-ci présentent également le risque de s'ancrer dans une posture réactive, en ne traitant que les conséquences telles que mesurées par ces indices plutôt que les causes sous-jacentes. Enfin, les mécanismes de compliance et d'autorégulation cérébrale censés être mesurés par ces indices ne sont jamais explicitement sollicités lors de ces grandes études rétrospectives. 

\par Pour faire face à ces limites, le parti pris des études présentées ici consiste à mettre à l'épreuve les mécanismes de compliance cérébrale ou d'autorégulation cérébrale étudiés dans le cadre d'un protocole dédié. En contrepartie d'un nombre de patients réduit, cette approche permet d'étudier directement les mécanismes d'intérêt sans recourir à des intermédiaires tels qu'un score d'état clinique en sortie de réanimation. En pratique clinique, l'ambition de ces études est de pouvoir proposer à terme une médecine davantage personnalisée, en recherchant proactivement à optimiser la compliance et l'autorégulation cérébrale, tout en anticipant les épisodes d'hypertension intracrânienne. 

Les problématiques de recherche peuvent être résumées ainsi:
\begin{itemize}
\item Quels aspects de la compliance cérébrale sont reflétés par la morphologie du signal de PIC?
\item Comment identifier proactivement la limite inférieure du plateau d'autorégulation cérébrale?
\end{itemize}

\section*{Indications de lecture}
Le présent document est organisé de la façon suivante : les chapitres~\ref{clinique} et~\ref{signal} couvrent le contexte médical et l'état de l'art associé à l'analyse du signal de PIC pour la prise en charge des patients en neuro-réanimation. En particulier, le chapitre~\ref{signal} contient des descriptions plus détaillées des mécanismes de compliance et d'autorégulation cérébrales. Concernant les contributions, le chapitre~\ref{SWAn} décrit une méthode de détection automatisée de pics caractéristiques du signal de PIC. Des applications pour la caractérisation de la compliance cérébrale sont présentées dans les chapitres~\ref{EC2} et~\ref{HTS}. Enfin, le chapitre~\ref{OptiMAP} traite plus particulièrement d'autorégulation cérébrale.

De nombreux acronymes médicaux sont utilisés par la suite. Leur signification est rappelée à chaque première utilisation par chapitre ; toutefois, les plus courants sont listés ici, de façon non-exhaustive : 
\begin{itemize}
\item PIC --- Pression intracrânienne.
\item PA(M) --- Pression artérielle (moyenne). 
\item HTIC --- Hypertension intracrânienne. Désigne une PIC supérieure à 20 mmHg de manière continue pendant plusieurs minutes.
\item PPC --- Pression de perfusion cérébrale. Correspond au différentiel de pression entre l'aval et l'amont de l'arbre vasculaire cérébral. En négligeant la pression veineuse systémique, la PPC est estimée par la relation PPC = PA - PIC. Dans le cas de patients ne bénéficiant pas de monitorage de la PIC, car considérés comme sans risque d'HTIC, la PPC est simplement approximée par la PA.
\item V\textsubscript{m} --- Vitesse moyenne du sang dans l'artère cérébrale moyenne. Celle-ci est mesurée par ultrasonographie en exploitant l'effet Doppler.
\item DSC --- Débit sanguin cérébral. Le DSC n'est pas directement mesurable ; dans le cadre de la mesure de l'autorégulation cérébrale, le DSC doit être remplacé par l'un de ses dérivés : on considèrera ici la V\textsubscript{m}, dont la limite réside dans le fait qu'il ne s'agit que d'une mesure locale dans une artère de diamètre exact inconnu, et la PIC, présentant l'inconvénient d'être un indicateur de volume plutôt que de débit, et donc de dépendre de la compliance cérébrale.
\end{itemize}