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1 | 1 | \section{Épidémiologie} |
2 | 2 | \subsection{Traumatisme crânien} |
3 | -Le terme traumatisme crânien (TC) regroupe une grande diversité d'atteintes cérébrales, touchant entre 64 et 74 millions d'individus dans le monde chaque année. Sa mortalité au niveau mondial est évaluée à 42\% pour les hommes et 29\% pour les femmes~\cite{ahmed2024epidemiology}. Le taux d'incidence est plus élevé dans les pays développés, particulièrement en Amérique du Nord (1299 cas pour 100~000 habitants), bien que l'Asie de l'Est et du Sud-Est représentent près de la moitié des cas de TC recensés chaque année~\cite{dewan2018estimating}. L'épidémiologie varie grandement selon les régions du monde : dans les pays développés, le ratio homme-femme est d'environ 2:1. La distribution des âges est bimodale, avec un premier pic entre 16 et 35 ans, et le second après 70 ans~\cite{ahmed2024epidemiology}. En Inde, l'âge médian est de 32 ans, et le ratio homme-femme de 4:1~\cite{karthigeyan2021head}. Classiquement, les TCs sont répartis en trois niveaux de gravité : léger, modéré, sévère (\textit{mild, moderate, severe}), les plus légers représentant 81\% des cas à l'échelle mondiale~\cite{dewan2018estimating}. Cette classification repose sur la durée et la gravité des atteintes neurologiques, ainsi que sur des critères d'imagerie cérébrale (voir table~\ref{tab:tbi})~\cite{silverberg2020management}. En particulier, l'état de conscience est évalué de 1 à 15 sur l'échelle de coma de Glasgow (\textit{Glasgow Coma Scale}, GCS). Un TC sévère correspond à un GCS de 8 ou moins, un TC léger à un GCS de 13 ou plus. La classification des TCs en trois niveaux de gravité est toutefois appelée à être révisée pour davantage de précision, la diversité des lésions cérébrales et des atteintes neurologiques ne pouvant être réduite à cette simple échelle~\cite{tenovuo2021assessing}. | |
3 | +Le terme traumatisme crânien (TC) regroupe une grande diversité d'atteintes cérébrales, touchant entre 64 et 74 millions d'individus dans le monde chaque année. Sa mortalité au niveau mondial est évaluée à 42\% pour les hommes et 29\% pour les femmes~\cite{ahmed2024epidemiology}. Le taux d'incidence est plus élevé dans les pays développés, particulièrement en Amérique du Nord (1299 cas pour 100~000 habitants), bien que l'Asie de l'Est et du Sud-Est représentent près de la moitié des cas de TC recensés chaque année~\cite{dewan2018estimating}. L'épidémiologie varie grandement selon les régions du monde : dans les pays développés, le ratio homme-femme est d'environ $2{:}1$. La distribution des âges est bimodale, avec un premier pic entre 16 et 35 ans, et le second après 70 ans~\cite{ahmed2024epidemiology}. En Inde, l'âge médian est de 32 ans, et le ratio homme-femme de $4{:}1$~\cite{karthigeyan2021head}. Classiquement, les TCs sont répartis en trois niveaux de gravité : léger, modéré, sévère (\textit{mild, moderate, severe}), les plus légers représentant 81\% des cas à l'échelle mondiale~\cite{dewan2018estimating}. Cette classification repose sur la durée et la gravité des atteintes neurologiques, ainsi que sur des critères d'imagerie cérébrale (voir table~\ref{tab:tbi})~\cite{silverberg2020management}. En particulier, l'état de conscience est évalué de 1 à 15 sur l'échelle de coma de Glasgow (\textit{Glasgow Coma Scale}, GCS). Un TC sévère correspond à un GCS de 8 ou moins, un TC léger à un GCS de 13 ou plus. La classification des TCs en trois niveaux de gravité est toutefois appelée à être révisée pour davantage de précision, la diversité des lésions cérébrales et des atteintes neurologiques ne pouvant être réduite à cette simple échelle~\cite{tenovuo2021assessing}. | |
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5 | 5 | |
6 | 6 | \begin{table}[h!] |
7 | 7 | |
8 | 8 | |
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9 | 9 | & Léger& Moyen& Sévère\\ \hline |
10 | 10 | Lésions visibles en imagerie & Non & Potentiellement & Potentiellement \\ \hline |
11 | 11 | Perte de conscience& < 30 min& 30 min à 24h& > 24h\\ \hline |
12 | - Etat mental altéré& < 24h& > 24h&> 24h\ \hline | |
12 | + \'Etat mental altéré& < 24h& > 24h&> 24h\ \hline | |
13 | 13 | Amnésie post-traumatique& < 1 jour& 1-7 jours&> 7 jours\\ \hline |
14 | 14 | GCS& < 9& 9-12& 13-15\\ \hline |
15 | 15 | \end{tabular} |
16 | - \caption{Critères de gravité du traumatisme crânien. Traduit de~\cite{silverberg2020management}. GCS: Echelle de Coma de Glasgow (\textit{Glasgow Coma Scale})} | |
16 | + \caption{Critères de gravité du traumatisme crânien. Traduit de~\cite{silverberg2020management}. GCS: \'Echelle de Coma de Glasgow (\textit{Glasgow Coma Scale})} | |
17 | 17 | \label{tab:tbi} |
18 | 18 | \end{table} |
19 | 19 | |
20 | 20 | \subsection{Hémorragie subarachnoïdienne} |
21 | -L'hémorragie subarachnoïdienne (HSA) est un sous-type d'accident vasculaire cérébral (AVC), généralement d'origine traumatique~\cite{ragaglini2024epidemiology}, correspondant à une fuite de sang dans l'espace sous-arachnoïdien. La mortalité est estimée à 25\% des cas~\cite{lv2024epidemiological}. En 2021, près de 800 000 cas ont été recensés dans le monde, soit une augmentation de 37\% par rapport à 1990. Contrairement aux TCs, le ratio homme-femme est légèrement inférieur à 1:1~\cite{lv2024epidemiological}. Les HSA causées par une rupture d'anévrisme sont 10 fois plus fréquentes en Asie que dans le reste du monde~\cite{sanicola2023pathophysiology}. En 2021, la tranche d'âge de 49 à 54 ans était associée avec le taux d'incidence le plus élevé~\cite{lv2024epidemiological}. La survenue d'une HSA provoque une baisse brutale du débit sanguin cérébral (DSC) potentiellement suivie d'épisodes d'hypertension intracrânienne (HTIC), et peut causer de lourds handicaps dès la première heure suivant l'hémorragie~\cite{d2015aneurysmal}. | |
21 | +L'hémorragie subarachnoïdienne (HSA) est un sous-type d'accident vasculaire cérébral (AVC), généralement d'origine traumatique~\cite{ragaglini2024epidemiology}, correspondant à une fuite de sang dans l'espace sous-arachnoïdien. La mortalité est estimée à 25\% des cas~\cite{lv2024epidemiological}. En 2021, près de 800 000 cas ont été recensés dans le monde, soit une augmentation de 37\% par rapport à 1990. Contrairement aux TCs, le ratio homme-femme est légèrement inférieur à $1{:}1$~\cite{lv2024epidemiological}. Les HSA causées par une rupture d'anévrisme sont 10 fois plus fréquentes en Asie que dans le reste du monde~\cite{sanicola2023pathophysiology}. En 2021, la tranche d'âge de 49 à 54 ans était associée au taux d'incidence le plus élevé~\cite{lv2024epidemiological}. La survenue d'une HSA provoque une baisse brutale du débit sanguin cérébral (DSC) potentiellement suivie d'épisodes d'hypertension intracrânienne (HTIC), et peut causer de lourds handicaps dès la première heure suivant l'hémorragie~\cite{d2015aneurysmal}. | |
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23 | 23 | \section{Physiopathologie de la pression intracrânienne} |
24 | 24 | |
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37 | 37 | \end{figure} |
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40 | -Dans le premier cas, un capteur de pression est placé dans un ventricule cérébral latéral, directement au contact du liquide cérébrospinal (LCS). Ainsi, la pression mesurée correspond à celle du continuum hydrique du LCS allant des ventricules cérébraux au sac dural, dans la région postérieure de la colonne vertébrale. Introduite par le neurochirurgien N. Lundberg dans les années 1960~\cite{lundberg1960continuous}, cette mesure est considérée comme la méthode de référence~\cite{shim2023intracranial}. Son principal avantage consiste en la possibilité de drainer du LCS lors d'épisodes d'HTIC, mais les capteurs intraventriculaires sont associés à davantage complications, notamment des saignements et des infections~\cite{tavakoli2017complications}. Une autre possibilité consiste à placer un capteur de pression dans le parenchyme cérébral, une solution présentant moins de risques de complications car moins invasive~\cite{tavakoli2017complications}. Le capteur ne peut pas être ré-étalonné après la pose, et est donc sujet à des dérives de ligne de base passé les premiers jours de monitorage~\cite{pelah2023accuracy}. Deux principales technologies de capteurs intraparenchymateux sont utilisées en 2025 dans le monde : les capteurs piézorésistifs à jauge de contrainte et les capteurs à fibre optique, les premiers présentant des dérives de ligne de base moins prononcées~\cite{akbik2016roles}. | |
40 | +Dans le premier cas, un capteur de pression est placé dans un ventricule cérébral latéral, directement au contact du liquide cérébrospinal (LCS). Ainsi, la pression mesurée correspond à celle du continuum hydrique du LCS allant des ventricules cérébraux au sac dural, dans la région postérieure de la colonne vertébrale. Introduite par le neurochirurgien N. Lundberg dans les années 1960~\cite{lundberg1960continuous}, cette mesure est considérée comme la méthode de référence~\cite{shim2023intracranial}. Son principal avantage consiste en la possibilité de drainer du LCS lors d'épisodes d'HTIC, mais les capteurs intraventriculaires sont associés à davantage de complications, notamment des saignements et des infections~\cite{tavakoli2017complications}. Une autre possibilité consiste à placer un capteur de pression dans le parenchyme cérébral, une solution présentant moins de risques de complications car moins invasive~\cite{tavakoli2017complications}. Le capteur ne peut pas être ré-étalonné après la pose, et est donc sujet à des dérives de ligne de base passé les premiers jours de monitorage~\cite{pelah2023accuracy}. Deux principales technologies de capteurs intraparenchymateux sont utilisées en 2025 dans le monde : les capteurs piézorésistifs à jauge de contrainte et les capteurs à fibre optique, les premiers présentant des dérives de ligne de base moins prononcées~\cite{akbik2016roles}. | |
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42 | 42 | |
43 | 43 | \section{Morphologie du signal de PIC} |
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51 | 51 | Encore nommées ondes de plateau (\textit{plateau waves}), Lundberg les décrit comme une élévation de la PIC de 50 à 100 mmHg pour une durée de 5 à 20 minutes (voir figure~\ref{fig:waves} A). Ces ondes de plateaux apparaissent chez près de 25\% des patients atteints de traumatisme crânien~\cite{castellani2009plateau}. Le mécanisme classiquement présenté comme à l'origine des ondes de plateau implique un dysfonctionnement du système nerveux parasympathique. L'augmentation brutale de la PIC est ainsi due à une cascade de vasodilations provoquée par le réflexe de Cushing, c'est-à-dire une augmentation du débit sanguin cérébral (DSC) en réponse à une augmentation de la PIC~\cite{rosner1984origin}. La durée des ondes de plateau, en particulier lorsqu'elles excèdent une demi-heure, est un facteur de mauvais pronostic pour les patients cérébrolésés \cite{castellani2009plateau}. |
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53 | 53 | \subsubsection{Ondes B} |
54 | -Cette catégorie d'oscillations est probablement la plus étudiée dans la littérature. Historiquement, Lundberg les décrit comme des oscillations d'amplitude inférieure à 50 mmHg, apparaissant toute les minutes environ pour une durée de 30 à 120 secondes (voir figure~\ref{fig:waves} B et C). Toutefois, les auteurs étudiant les ondes B (ou ondes lentes, \textit{slow waves}) élargissent généralement leurs investigations à une bande de fréquence plus étendue que celle proposée par Lundberg~\cite{martinez2019b}. Entre 1990 et 2024, au moins quatre sous-classifications ont été proposées pour mieux tenir en compte de leur diversité morphologique~\cite{raftopoulos1992morphological, santamarta2016prediction, yokota1989overnight, kasprowicz2012association}. Ces classifications reposent sur l'amplitude, la symétrie et la présence de plateaux au cours des oscillations. L'interprétation clinique des ondes B n'est pas aisée du fait de leur diversité et des nombreuses classifications proposées. Toutefois, leur présence est particulièrement observée en phase de sommeil paradoxal~\cite{spiegelberg2016b}, y compris chez des patients non-cérébrolésés~\cite{riedel2021b}. De manière cohérente, un lien a été établi entre ondes B et apnée du sommeil~\cite{riedel2023transient}, alors que leur amplitude est diminuée par l'hypocapnie~\cite{beqiri2020influence}. De plus, le lien entre fluctuations du DSC et apparition d'ondes B est connu dès les années 1980~\cite{mautner1989b}. En 2022, une étude démontre le lien entre ondes B, oscillations du DSC et les ondes theta (4-7Hz) du signal EEG. Ainsi, les ondes B pourraient être le reflet d'une activité noradrénergique du tronc cérébral facilitant l'évacuation de déchets métaboliques par le système glymphatique~\cite{newell2022physiological}. Du fait du manque de consensus quant à leur définition, leur détection est généralement faite manuellement faute d'un algorithme de référence. En 2019, une méta-analyse regroupant 124 études rapporte que seuls 32\% d'entre elles spécifient une méthode de détection~\cite{martinez2019b}, généralement par analyse de Fourier (40\%). | |
54 | +Cette catégorie d'oscillations est probablement la plus étudiée dans la littérature. Historiquement, Lundberg les décrit comme des oscillations d'amplitude inférieure à 50 mmHg, apparaissant toute les minutes environ pour une durée de 30 à 120 secondes (voir figure~\ref{fig:waves} B et C). Toutefois, les auteurs étudiant les ondes B (ou ondes lentes, \textit{slow waves}) élargissent généralement leurs investigations à une bande de fréquence plus étendue que celle proposée par Lundberg~\cite{martinez2019b}. Entre 1990 et 2024, au moins quatre sous-classifications ont été proposées pour mieux tenir en compte de leur diversité morphologique~\cite{raftopoulos1992morphological, santamarta2016prediction, yokota1989overnight, kasprowicz2012association}. Ces classifications reposent sur l'amplitude, la symétrie et la présence de plateaux au cours des oscillations. L'interprétation clinique des ondes B n'est pas aisée du fait de leur diversité et des nombreuses classifications proposées. Toutefois, leur présence est particulièrement observée en phase de sommeil paradoxal~\cite{spiegelberg2016b}, y compris chez des patients non-cérébrolésés~\cite{riedel2021b}. De manière cohérente, un lien a été établi entre ondes B et apnée du sommeil~\cite{riedel2023transient}, alors que leur amplitude est diminuée en situation d'hypocapnie (faible taux de CO$_{2}$ dans le sang)~\cite{beqiri2020influence}. De plus, le lien entre fluctuations du débit sanguin cérébral (DSC) et apparition d'ondes B a été identifié dès les années 1980~\cite{mautner1989b}. En 2022, une étude démontre le lien entre ondes B, oscillations du DSC et les ondes theta (4-7Hz) du signal EEG. Ainsi, les ondes B pourraient être le reflet d'une activité noradrénergique du tronc cérébral facilitant l'évacuation de déchets métaboliques par le système glymphatique~\cite{newell2022physiological}. Du fait du manque de consensus quant à leur définition, leur détection est généralement faite manuellement faute d'un algorithme de référence. En 2019, une méta-analyse regroupant 124 études rapporte que seuls 32\% d'entre elles spécifient une méthode de détection~\cite{martinez2019b}, généralement par analyse de Fourier (40\%). | |
55 | 55 | |
56 | 56 | \subsubsection{Ondes C} |
57 | 57 | Les ondes C ont fait l'objet d'une littérature très limitée entre les années 1960 et 2024. Lundberg les décrit comme des oscillations d'amplitude inférieure à 20 mmHg apparaissant quatre à huit fois par minute (voir figure~\ref{fig:waves} D). Ces oscillations sont synchronisées avec les ondes de Mayer observables sur le signal de pression artérielle~\cite{cucciolini2023intracranial}. Ces dernières, également peu étudiées, sont engendrées par une activité sympathique du système nerveux périphérique~\cite{julien2006enigma}. |
... | ... | @@ -59,7 +59,7 @@ |
59 | 59 | \begin{figure}[h!] |
60 | 60 | \centering |
61 | 61 | \includegraphics[width=1\linewidth]{contexte_clinique/waves.png} |
62 | - \caption{Exemples d'ondes de Lundberg visibles sur le signal de pression intracrânienne. I : onde de plateau (ou onde A). II e tIII : deux motifs d'ondes lentes (ou ondes B), IV : ondes de Mayer (ou ondes C)} | |
62 | + \caption{Exemples d'ondes de Lundberg visibles sur le signal de pression intracrânienne. I : onde de plateau (ou onde A). II et III : deux motifs d'ondes lentes (ou ondes B), IV : ondes de Mayer (ou ondes C)} | |
63 | 63 | \label{fig:waves} |
64 | 64 | \end{figure} |
65 | 65 | |
66 | 66 | |
67 | 67 | |
68 | 68 | |
... | ... | @@ -74,17 +74,18 @@ |
74 | 74 | \end{figure} |
75 | 75 | |
76 | 76 | \subsection{Pulsations cardiaques} |
77 | -La fraction du volume d'éjection systolique transmise au cerveau provoque des oscillations du signal de PIC à l'échelle du cycle cardiaque. La morphologie des pulsations d'origine cardiaque du signal de PIC fait l'objet d'une riche littérature scientifique du fait de son lien avec la relation pression-volume régnant dans la boîte crânienne, généralement appelée compliance cérébrale~\cite{germon1994intracranial}. En particulier, une pulsation d'origine cardiaque comporte le plus souvent trois pics, nommés P1, P2 et P3 d'après leur ordre d'apparition (voir figure~\ref{fig:P1P2P3}). L'apparition de P1 correspond à l'arrivée du sang d'origine systolique dans la boîte crânienne~\cite{czosnyka2020origin}. Le pic P2, classiquement décrit comme une onde de réflexion, coïncide avec un maximum de volume dans les artères cérébrales~\cite{unnerback2018icp}, et est également synchronisé avec un pic semblable dans le débit sanguin cérébral estimé à l'aide d'un Doppler transcrânien~\cite{ziolkowski2023peak}. Si l'interprétation du creux observé entre P2 et P3 comme le reflet de l'encoche dicrote fait consensus dans la littérature~\cite{ziolkowski2021analysis}, l'origine du pic P3 est encore débattue. Celui-ci pourrait avoir un lien avec le retour veineux~\cite{czosnyka2020origin}, ou encore un second pic de volume sanguin cérébral~\cite{carrera2010shapes}. Quoiqu'il en soit, des modélisations effectuées à partir d'IRM de flux indiquent que l'élastance des artères cérébrales est un déterminant majeur des hauteurs relatives des pics P1, P2 et P3~\cite{domogo2023mechanistic}. | |
77 | +La fraction du volume d'éjection systolique transmise au cerveau provoque des oscillations du signal de PIC à l'échelle du cycle cardiaque. La morphologie des pulsations d'origine cardiaque du signal de PIC fait l'objet d'une riche littérature scientifique du fait de son lien avec la relation pression-volume régnant dans la boîte crânienne, généralement appelée compliance cérébrale~\cite{germon1994intracranial}. En particulier, une pulsation d'origine cardiaque comporte le plus souvent trois pics, nommés P1, P2 et P3 d'après leur ordre d'apparition (voir figure~\ref{fig:P1P2P3}). L'apparition de P1 correspond à l'arrivée du sang d'origine systolique dans la boîte crânienne~\cite{czosnyka2020origin}. Le pic P2, classiquement décrit comme une onde de réflexion, coïncide avec un maximum de volume dans les artères cérébrales~\cite{unnerback2018icp}, et est également synchronisé avec un pic semblable dans le débit sanguin cérébral estimé à l'aide d'un Doppler transcrânien~\cite{ziolkowski2023peak}. Si l'interprétation du creux observé entre P2 et P3 comme le reflet de l'encoche dicrote (due à la fermeture de la valve aortique) fait consensus dans la littérature~\cite{ziolkowski2021analysis}, l'origine du pic P3 est encore débattue. Celui-ci pourrait avoir un lien avec le retour veineux~\cite{czosnyka2020origin}, ou encore un second pic de volume sanguin cérébral~\cite{carrera2010shapes}. Quoiqu'il en soit, des modélisations effectuées à partir d'IRM de flux indiquent que l'élastance des artères cérébrales est un déterminant majeur des hauteurs relatives des pics P1, P2 et P3~\cite{domogo2023mechanistic}. | |
78 | 78 | |
79 | 79 | \section{Intégration de la pression intracrânienne à un monitorage multimodal} |
80 | 80 | \subsection{Pression intracrânienne et pression artérielle} |
81 | - En unité de soins intensifs, l'évolution conjointe de la pression artérielle moyenne (PAM) et de la PIC est particulièrement surveillée, dans la mesure où celle-ci gouverne l'irrigation des tissus cérébraux. La pression de perfusion cérébrale (PPC) correspond au gradient de pression à travers le lit vasculaire cérébral. Celle-ci est classiquement estimée par la relation $PPC = PAM - PIC$, en négligeant la pression veineuse en sortie des organes. Le calcul de la PPC doit prendre en compte la position du capteur de pression artériel, situé au niveau du cœur ou du foramen de Monroe selon les pratiques cliniques. La seconde solution permet une estimation plus précise de la PPC en ignorant le poids du continuum hydrique s'étendant du coeur au cerveau~\cite{kartal2024define}. Si une PPC comprise entre 60 et 70 mmHg est classiquement recommandée pour le traitement du traumatisme crânien~\cite{carney2017guidelines}, la nécessité de définir une valeur cible propre à chaque patient est largement évoquée dans la littérature scientifique~\cite{vu2024monitoring}. Le calcul d'une PPC optimale doit alors prendre en compte les capacité d'autorégulation cérébrale du patient, c'est-à-dire sa capacité à réguler son débit sanguin cérébral par des mécanismes de vasoconstriction (voir section~\ref{autoregulation}). | |
81 | + En unité de soins intensifs, l'évolution conjointe de la pression artérielle moyenne (PAM) et de la PIC est particulièrement surveillée, dans la mesure où celle-ci gouverne l'irrigation des tissus cérébraux. La pression de perfusion cérébrale (PPC) correspond au gradient de pression à travers l'arbre vasculaire cérébral. Celle-ci est classiquement estimée par la relation $PPC = PAM - PIC$, en négligeant la pression veineuse en sortie des organes. Le calcul de la PPC doit prendre en compte la position du capteur de pression artériel, situé au niveau du cœur ou du tragus de l'oreille selon les pratiques cliniques. La seconde solution permet une estimation plus précise de la PPC en ignorant le poids du continuum hydrique s'étendant du coeur au cerveau~\cite{kartal2024define}. Si une PPC comprise entre 60 et 70 mmHg est classiquement recommandée pour le traitement du traumatisme crânien~\cite{carney2017guidelines}, la nécessité de définir une valeur cible propre à chaque patient est largement évoquée dans la littérature scientifique~\cite{vu2024monitoring}. Le calcul d'une PPC optimale doit alors prendre en compte les capacité d'autorégulation cérébrale du patient, c'est-à-dire sa capacité à réguler son débit sanguin cérébral par des mécanismes de vasoconstriction (voir section~\ref{autoregulation}). | |
82 | 82 | |
83 | 83 | \subsection{Pression intracrânienne et flux sanguin cérébral} |
84 | - L'ultrasonographie transcrânienne repose sur l'effet Doppler pour mesurer non-invasivement la vitesse d'écoulement du sang dans une artère cérébrale. Développé dans les années 1980, le Doppler transcrânien (\textit{Transcranial Doppler}, TCD) estime la vitesse du flux sanguin cérébral (VSC) à partir de la relation | |
84 | + L'ultrasonographie transcrânienne repose sur l'effet Doppler pour mesurer non-invasivement la vitesse d'écoulement du sang dans une artère cérébrale. Développé dans les années 1980, le Doppler transcrânien (DTC) estime la vitesse du flux sanguin cérébral (VSC) à partir de la relation | |
85 | 85 | \begin{equation} |
86 | 86 | \label{doppler} |
87 | 87 | VSC = \frac{c(f_{r} - f_{0})}{2f_{0}cos(\theta)} |
88 | 88 | \end{equation} |
89 | -où $f_{0}$ désigne la fréquence connue de l'onde sonore émise par le TCD, $f_{r}$ la fréquence de l'onde de réflexion, et $\theta$ l'angle formé avec l'artère visée. Le signal obtenu présente une cyclicité due aux battements cardiaques. La vitesse systolique, correspondant au maximum local du cycle cardiaque, est notée $V_s$. Symétriquement, la vitesse diastolique est notée $V_d$. Ces vitesses sont le plus souvent exprimées en cm/s. En pratique clinique, deux principaux paramètres sont extraits du TCD : d'une part, la vitesse moyenne $V_m$ calculée le temps d'un cycle cardiaque, et d'une autre, l'indice de pulsatilité $IP = (V_{s} - V_{d})/V_{m}$. Ce nombre adimensionnel présente l'avantage d'être indépendant de l'angle d'insonation choisi, les dénominateurs de l'équation \ref{doppler} se simplifiant lors du calcul du ratio. Un $IP$ supérieur à 1.4 mesuré dans l'artère cérébrale médiane est généralement considéré comme témoin d'un flux sanguin altéré~\cite{ract2007transcranial}. De manière générale, l'ultrasonographie est utile pour évaluer certaines propriétés mécaniques du lit vasculaire cérébral, et déceler des défauts d'écoulement comme des occlusions artérielles~\cite{baska2024transcranial}. La littérature fait également état de nombreuses méthodes pour estimer la PIC à partir du signal de TCD~\cite{dokponou2023transcranial}. Si leur précision n'est pas suffisante pour remplacer un monitorage invasif de la PIC, cette utilisation du TCD permet toutefois d'identifier les patients à risque d'HTIC~\cite{martinez2024non}. Couplée aux monitorages de PA et/ou de PIC, l'ultrasonographie est un outil de mesure des capacités d'autorégulation cérébrale (voir section). | |
89 | +où $f_{0}$ désigne la fréquence connue de l'onde sonore émise par le DTC, $f_{r}$ la fréquence de l'onde de réflexion, et $\theta$ l'angle formé avec l'artère visée. Le signal obtenu présente une cyclicité due aux battements cardiaques. La vitesse systolique, correspondant au maximum local du cycle cardiaque, est notée $V_s$. Symétriquement, la vitesse diastolique est notée $V_d$. Ces vitesses sont le plus souvent exprimées en cm/s. En pratique clinique, deux principaux paramètres sont extraits du DTC : d'une part, la vitesse moyenne $V_m$ calculée le temps d'un cycle cardiaque, et d'une autre, l'indice de pulsatilité $IP = (V_{s} - V_{d})/V_{m}$. Ce nombre adimensionnel présente l'avantage d'être indépendant de l'angle d'insonation (angle formé par | |
90 | +le vaisseau étudié et le faisceau d'ultrasons) choisi, les dénominateurs de l'équation \ref{doppler} se simplifiant lors du calcul du ratio. Un $IP$ supérieur à 1.4 mesuré dans l'artère cérébrale médiane est généralement considéré comme témoin d'un flux sanguin altéré~\cite{ract2007transcranial}. De manière générale, l'ultrasonographie est utile pour évaluer certaines propriétés mécaniques de l'arbre vasculaire cérébral, et déceler des défauts d'écoulement comme des occlusions artérielles~\cite{baska2024transcranial}. La littérature fait également état de nombreuses méthodes pour estimer la PIC à partir du signal de DTC~\cite{dokponou2023transcranial}. Si leur précision n'est pas suffisante pour remplacer un monitorage invasif de la PIC, cette utilisation du DTC permet toutefois d'identifier les patients à risque d'HTIC~\cite{martinez2024non}. Couplée aux monitorages de PA et/ou de PIC, l'ultrasonographie est un outil de mesure des capacités d'autorégulation cérébrale (voir section~\ref{autoregulation}). |